Penguin Classics The Real Story Of Ah-q And Other Tales Of China
de Lu Xun

critiqué par SpaceCadet, le 5 août 2014
(Ici ou Là - - ans)


La note:  étoiles
Jusqu'où le traducteur peut-il se permettre d'aller?
Ce recueil consiste en une nouvelle édition de l'ensemble des fictions en prose publiées par Lu Xun, l'un des écrivains parmi les plus influents de la Chine du début du XXe siècle. La dernière version parue en langue anglaise datant déjà de plusieurs années, celle-ci a l'avantage d'être présentée sous une nouvelle traduction, effectuée avec l'intention affirmée de 'mettre ces écrits à la portée du lecteur contemporain'.

Lecture accessible, s'il en est, mais à quel prix.

Il faut souligner ici que la traduction du chinois vers une langue telle que l'anglais (ou le français) ne peut se faire qu'au prix de quelques aménagements (ne serait-ce que pour des raisons grammaticales), ceux-ci pouvant éventuellement faire appel à une interprétation du texte. Ainsi, s'il est justifiable de retrancher ou d'ajouter quelques termes, de reformuler certaines phrases, etc., l'exercice peut, dans certains cas, prendre des proportions pour le moins étonnantes. Lorsqu'une phrase, un paragraphe ou encore l'ensemble d'un récit ne semble plus dire tout à fait la même chose que ce qui était entendu au départ, on est en lieu de se poser la question: jusqu'où le traducteur peut-il se permettre d'aller?

C'est précisément le genre de débat que soulève cet ouvrage.

Après une introduction fort bien tournée, le livre s'ouvre sur 'Nostalgia' (En souvenir d'un passé lointain), la toute première nouvelle qu'ait composé Lu Xun en 1911. Rédigée en chinois classique, elle est ici retranscrite dans un langage fluide dont l'évidente consonance 'gogolienne' surprend. On sait que monsieur Lu était un grand admirateur de Gogol, et s'il s'est inspiré de la nouvelle 'Le journal d'un fou' pour composer l'un de ses récits, on peut raisonnablement mettre en doute (quoique cela ne soit pas impossible) le fait qu'il soit allé, en rédigeant 'Nostalgia', jusqu'à mimer le style d'écriture de l'écrivain.

Suite à cette entrée en matière, on aborde, les nouvelles initialement publiées dans 'Outcry' (L'appel aux armes) en 1923, 'Hesitation' (Errances) en 1926 et 'Old stories retold' (Contes anciens à notre manière) en 1935; une collection de récits que l'on découvre ici sous une plume élégante et alerte exhalant, on s'en rend bientôt compte, une énergie toute contemporaine, teintée d'un occidentalisme qui, encore ici, surprend.

D'étonnement en surprise, en prenant appui auprès d'autres éditions/traductions, on peut alors constater la nature et l'envergure des aménagements effectués dans cette nouvelle publication. Une question de point de vue?

Il est vrai que le fait de reformuler un texte, puis en retirer certains éléments culturels ou linguistiques qui, soi-disant en raison de leur particularisme, risquent de confondre le lecteur, sinon donneraient lieu à un volume substantiel de notes explicatives propres à ennuyer le lecteur ou à porter atteinte à son expérience de lecture, cela pour ensuite insérer plus loin quelques précisions propres à pallier les carences culturelles du même lecteur, cela donne lieu, il est vrai , à un livre éminemment lisible. En d'autres mots, on obtient ainsi un ouvrage qui soit à la portée de cet hypothétique lecteur contemporain, un lecteur qui souhaite découvrir un morceau de littérature chinoise mais qui par ailleurs dédaignerait être confronté au-delà du minimum requis, à une culture étrangère sinon à une forme d'écriture originale. Affaire de goût?

On peut se tromper, bien sûr, mais dans le doute, alors que surgit la question du fondement éthique sur lequel repose une approche ayant vraisemblablement pour effet celui de porter atteinte à l'intégrité du travail de l'auteur il semble finalement préférable de m'abstenir de commenter l'œuvre de Lu Xun telle qu'elle est présentée dans cette publication. Par conséquent, la note accordée à ce livre ne reflète que mon appréciation de l'édition.