Variations endogènes
de Karoline Georges

critiqué par Libris québécis, le 26 juillet 2014
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Une humanité passée à la lessive
Une lecture rapide laisse croire que l’auteure vient, avec son recueil de nouvelles, faire la lessive d’une humanité en dérive. En effet, elle trace le portrait de gens vus à travers une lorgnette, dont le focus vise leur laideur. On peut rapprocher cette œuvre de l’Insecte de Claire Castillon ou de Cabinet-portrait de Jean-Luc Benoziglio. On y retrouve le même sujet, qui produit de la répulsion chez l’âme délicate.

Cet étalage de perversités est à mille lieues d’une littérature qui crée des héros auxquels on s’identifie. Les vieillards qui abusent de leurs petits-enfants ou les partenaires qui s’adonnent à des jeux sexuels masochistes ne raflent pas généralement des adhésions à un monde de déviances. Pourtant c’est avec le récit de telles situations que Karoline Georges a décidé de conscientiser son lectorat à des pratiques aucunement valorisantes. Mais si on lit entre les lignes, on sent que la peur que se concrétise un monde débilitant a poussé l’auteure à dresser le tableau des variations destructrices qui attendent les âmes en quête d’elles-mêmes. Peu s’en faut pour que leur énergie endogène les pousse vers des paradis perdants. Si « l’absolu consiste à jouir de soi », faut-il encore être conscient que le corps n’est qu’au service des aspirations qui élèvent l’esprit.

C’est le matériel dont s’est servie l’auteure pour que les yeux regardent au-delà d’une horizontalité réductrice de la liberté. La vie est une marche plus ou moins longue, mais ce peut être aussi une escalade. Si le contenu se discute, la forme qui le véhicule est très respectueux des normes du genre. Chaque nouvelle se conclut par une chute inattendue, qui accentue l’horreur des faits et gestes que l’on vient de lire. Bref, les œuvres de Karoline Georges s’inscrivent dans un créneau qui brandit le spectre de la mort de l’âme ou du corps. Et cette fois-ci, elle s’est départie de sa manie d’intellectualiser son propos.