Arria Marcella
de Théophile Gautier

critiqué par Ellane92, le 25 juillet 2014
(Boulogne-Billancourt - 49 ans)


La note:  étoiles
sur l'amour et le désir
Trois jeunes gens visitent Naples. Dans un musée, l'un d'entre eux, Octavien, le plus jeune et le plus romantique, s'enflamme et se perd à la vue de l'empreinte d'un buste de femme pétrifiée dans des cendres de Pompéi, et récupérée dans la demeure d'Arrius Diomèdes. Les jeunes gens visitent Pompéi et s'organisent un souper sur les ruines de la ville. Plus tard, ne trouvant pas le sommeil, Octavien retourne sur le site archéologique. A la lumière de la lune, les bâtiments semblent moins abimés, les rues mieux pavées. Au détour d'une rue, quand le jour se lève, les maisons de Pompéi sont intègres, il entend des bruits, croise un homme habillé "à l'antique". Les siècles ont reculé devant les soupirs de son cœur, Octavien parcourt le Pompéi de l'an 79, du temps où la belle Arria Marcella se déplaçait comme l'on danse entourée de ses servantes.

Cette nouvelle très courte de Théophile Gautier tient à la fois du romantique et du fantastique. Romantique par son héros, Octavien, qui fuit la réalité et se délecte de la vision d'une empreinte de lave figée sur la courbe d'un corps féminin. Les images du passé sont pour lui bien plus vivantes que les femmes de chair qu'il croise tous les jours. T. Gautier se focalise sur les sentiments et les sensations de ce jeune, qu'il met souvent en comparaison avec ses deux amis venus avec lui visiter l'Italie, amis "bien de et dans leur temps". Le fantastique, lui, apparait par petites touches, avec la complicité la lune de son amie; les ruines sont cachées, jusqu'à ce qu'elles apparaissent dans leur glorieuse jeunesse, avant que le volcan ne crache son flot de feu et de mort, et s'animent sous les pas des vivants. Sous nos yeux, l'auteur fait revivre Pompéi, son architecture, ses habitants, ses activités. "Un prodige inconcevable le reportait, lui, Français du XIXème siècle, au temps de Titus, non en esprit, mais en réalité, ou faisait revenir à lui, du fond du passé, une ville détruite avec ses habitants disparus ; car un homme vêtu à l'antique venait de sortir d'une maison voisine."
Et bien sûr, bientôt apparait la belle, la merveilleuse, la "désirante" Arria Marcella, dont l'empreinte du buste avait tant émut Octavien. Et Arria Marcella constitue à elle seule un élément essentiel du romantisme et du fantastique de la nouvelle, elle dont le désir d'être aimée fait revivre Pompéi pour permettre la rencontre du fantôme et du jeune homme, dans un même "espace-temps".
Cette nouvelle de T. Gautier parle d'amour et du désir, et de la mort, de l'Eros qui vainc le Thanatos. Pour un temps, pour un temps seulement. Alors sonne le glas de la réalité pour Octavien, personnifié par la colère du vieux père de Marcella, ou par l'écho des cloches de l'église chrétienne qui résonne et traverse les siècles pour retentir dans la ville qui bientôt cessera d'exister.

L'histoire d'Arria Marcella est magnifique, la plume de T. Gautier sublime et poétique, j'ai été transportée dans le corps et l'âme d'un jeune homme qui traverse le temps à la rencontre de son premier et son dernier amour, sa coupe d'ivresse suprême. Une très belle lecture, que je recommande à tout le monde !

On n'est véritablement morte que quand on n'est plus aimée.

Oh ! Serre-moi sur ta jeune poitrine, enveloppe-moi de ta tiède haleine, j'ai froid d'être restée si longtemps sans amour.

Arria, Arria, dit le personnage austère d'un ton de reproche, le temps de ta vie n'a-t-il pas suffi à tes déportements, et faut-il que tes infâmes amours empiètent sur les siècles qui ne t'appartiennent pas ? Ne peux-tu laisser les vivants dans leur sphère, ta cendre n'est donc pas encore refroidie depuis le jour où tu mourus sans repentir sous la pluie de feu du volcan ? Deux mille ans de mort ne t'ont donc pas calmée, et tes bras voraces attirent sur ta poitrine de marbre, vide de cœur, les pauvres insensés enivrés par tes philtres.
Une nouvelle onirique 8 étoiles

Théophile Gautier est tombé sous le charme de Pompéi et le lecteur qui lit cette nouvelle s'en rend vite compte. Ce texte contient de nombreuses descriptions de ce lieu. Il est vrai que Pompéi est propice à de nombreuses rêveries. Le lieu est tellement bien conservé qu'il est assez facile d'imaginer l'atmosphères qui régnait dans cette ville et de se projeter dans cet univers antique.

Généralement, la nouvelle est concise et va à l'essentiel. Les auteurs ne s'encombrent pas d'éléments superflus. Les descriptions sont brèves et parlantes. Ici l'auteur prend le temps d'évoquer cette ville et l'on ressent le besoin de l'auteur de coucher sur papier le maximum d'informations sur Pompéi.

Nous ne connaissons pas beaucoup de choses sur les trois personnages masculins et pourtant l'écrivain parvient à distinguer clairement ces trois protagonistes. Leur conception de l'amour Permet pourtant de catégoriser ces protagonistes.

La nouvelle glisse progressivement dans le fantastique sans inquiéter le lecteur. Il n'y a pas de rupture nette comme dans certains textes célèbres. Cela suffit tout de même pour faire rêver le lecteur. Redonner vie à un endroit aussi vaste et mystérieux a quelque chose d'assez fascinant et permet de se questionner sur la frontière ténue entre la vie et la mort. Il règne une atmosphère onirique dans cette nouvelle qui se déroule en plus dans une région italienne où les mythes et les superstitions sont très vivaces. C'est aussi une région chère aux auteurs romantiques.

Cette nouvelle n'a pas la force des textes fantastiques de Maupassant ou de Poe, mais elle possède son charme et permet de se promener littérairement dans cette ville morte et vivante à la fois.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 3 juillet 2018