Standard
de Nina Bouraoui

critiqué par Bibliotherapie, le 17 juillet 2014
( - 44 ans)


La note:  étoiles
Les vicissitudes d'un homme sans qualité
Standard décevra à n'en pas douter tous ceux pour qui un roman est avant tout narration. Les autres, ceux qui considèrent la littérature comme un art bien plus vaste, un terrain d'expérimentation des affects, découvriront le roman de Nina Bouraoui avec une réjouissante curiosité. Car le récit, s'il existe bel et bien, est un tantinet long à se mettre en place, l'auteur préférant s'attarder sur la psychologie du personnage central, non sans quelques redondances évoquant par moment un disque rayé. Un procédé qui permet de creuser en profondeur les fêlures intérieures de Bruno, homme sans qualité, souffrant d'un profond manque d'ambition. Tout paraît morne et vain dans sa vie dont chaque détail semble avoir été pensé pour le protéger des aléas, des relations sociales, des affects et a fortiori de l'amour. Jusqu'au jour où... son amour de lycée refait surface, laissant émerger une lueur d'espoir. Et c'est tout l'art de Nina Bouraoui que d'analyser minutieusement et en profondeur cette lueur d'espoir, la façon dont elle embrase progressivement la psyché d'un homme qui, à force de résignation, semblait avoir trouver un certain confort dans la passivité et la répétition. Confort qu'il mettra en péril après que ses résistances se soient progressivement effondrées, faisant éclore par là même le germe d'insatisfaction qu'il avait jusque-là réussi à contenir.

On a beaucoup rapproché la noirceur et le cynisme de Standard de l'oeuvre de Michel Houellebecq. Si son auteur partage effectivement une certaine vision désabusée, et Bruno un détachement et une résignation qui ne sont pas sans rappeler ceux d'Extension du domaine de la lutte, Nina Bouraoui ne partage en revanche pas l'ironie mordante du prix Goncourt. Jamais on ne sourit à la lecture de ce livre très sombre, et on regrettera par moment que Nina Bouraoui empile quelques poncifs sur la mentalité des ouvriers. Standard n'en demeure pas moins une lecture intéressante de laquelle on a bien du mal à sortir.