Le pas sage à l'acte
de André Stas

critiqué par Débézed, le 15 juillet 2014
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Sans strass ni paillettes
André Stas jongle avec les mots comme un Diable Rouge avec le ballon rond, il les caresse, les brosse, les détourne, les amortit, leur botte le cul, les envoie en touche, les fait chanter, … pour qu’ils prennent un sens qu’ils ne savaient même pas qu’ils pouvaient avoir. C’est une star de l’aphorisme, un tsar du bon mot qu’il nous sert à tasse débordante pour la grande joie de nos zygomatiques et le plus grand plaisir des esprits un peu tordus, ceux qui ne voient pas les choses comme les autres et qui sont toujours prêts à débusquer l’allusion cachée au creux d’une phrase apparemment banale mais savamment décochée.

Comme un joueur chevronné, il sait, à faux rythme (désolé, il m’a échappé), aborder les thèmes les plus divers sans jamais pourtant nous prendre en traître, il s’est même fendu d’un avertissement : « Les acheteurs de recueils d’aphorismes s’attendent à n’y trouver que des « bons mots ». Qu’ils s’abonnent à L’Almanach Vermot et laissent les poètes distiller leurs « mauvais » dans leur hébétude et, vu l’absence de leur entendement, leur fassent grâce de les dénigrer ». Dont acte ! Et comme il n’est pas égoïste, ni nombriliste, André Stas laisse de la place pour les autres. « Quand on en pond soi-même, parmi les aphorismes des autres, on aime particulièrement ceux qu’on aurait pu (ou bien voulu) commettre. Un peu comme parmi les femmes de nos amis et connaissances on apprécie davantage celles qu’on ne répugnerait pas trop d’honorer ».

L’aphorisme est un art périlleux, « Il y a beaucoup d’édité, mais peu d’élus », « Et – si j’ai bien compris -, plus question de savoir-faire : y a plus que le faire savoir ». Voilà on est désormais convaincu que Stas ne sombrera jamais dans les strass et les paillettes et qu’il saura toujours nous communiquer la recette pour conserver un esprit sain dans un corps à l’abri de la bêtise, du paraître, du snobisme et de la déprime, « On ne parle pas de vague à l’âme dans la maison d’un vieux marin » même d’eau douce.

Je dirais bien à André, si j’osais, que « Ce n’est pas un faible que j’ai pour toi, c’est un beaucoup trop fort », mais voilà je suis timide et je me retiens mais peut-être qu’un jour, à Bruxelles, dans une taverne où les surréalistes aimaient se réunir, il me dira « L’aphorisme se sent chez lui sur un carton de bière ». Et qu’il m’en prêtera deux ou trois comme celui-ci : « Attraper des morpions sur un marché aux prépuces ».