Albert Jacquard écrit donc à l’un de ses arrières-petits-enfants adolescent qui n’existe pas encore. C’est une sorte de testament philosophique, qui amène à réfléchir sur quantité de thèmes de notre temps et sur l’avenir. Je suis peut-être impressionnée par l’intelligence de l’auteur, mais pour ma part, je n’aurais pas tant écrit avec l’intelligence qu’avec le cœur et les sentiments. D’autre part, je trouve le style fort compliqué pour être lu par un adolescent.
Dans l’ensemble, j’adhère à la majorité des constats, des critiques et des raisonnements énoncés. Je déplore toutefois l’absence quasi-totale de références à Dieu. Et à la fin du livre, l’auteur défend le communisme ou un certain socialisme contre le modèle capitaliste et libéral ; je ne suis pas convaincue. Je reste également sur ma fin parce qu’Albert Jacquard évoque de nombreux sujets sans entrer dans les détails ; il surfe sur beaucoup de problème auxquels il n’apporte pas de solutions concrètes. Il ne fait que s’interroger, réveiller les consciences, mais il ne prend pas toujours position. Je pense, par exemple, aux problèmes éthiques générés par les nombreuses découvertes en matière de génétique et médicales.
Il rappelle « (…) le mythe de Prométhée. Ce demi-dieu, ce titan, avait dérobé à Zeus le secret du feu et l’avait dévoilé aux hommes ; cette amabilité envers nous lui valait un supplice éternel : être enchaîné à un rocher et avoir le foie dévoré par un aigle. Tout prisonnier qu’il soit sur sa montagne, Prométhée, au XXe siècle s’est véritablement déchaîné ; il a continué à défier Zeus, et nous a apporté de multiples cadeaux nouveaux. »
A propos du téléphone portable, il dit : « La fascination est telle qu’innombrables sont ceux qui ne quittent jamais leur « portable ». Au volant de leur voiture, garnissant leur chariot dans un supermarché ou promenant leurs enfants, ils poursuivent une conversation avec un interlocuteur lointain dont bientôt, paraît-il, ils pourront non seulement entendre la voix mais voir l’image. Ils ne sont plus présents là où ils agissent, et sont probablement très peu présents là où ils sont entendus. A vouloir être partout, ils ne vont plus nulle part. »
Concernant le sport, il déplore la compétition et voudrait plus de solidarité. « L’existence d’un marché des joueurs où les dirigeants de clubs viennent s’approvisionner en talents est le signe d’un détournement de la finalité du sport dont nous ne voyons même plus à quel point il est scandaleux. »
Il dénonce la course à la consommation et prône le taux de croissance zéro. « Une boulimie de consommation s’est emparée de la plupart de nos contemporains. (…) Il est temps de crier « casse-cou », car ce comportement consiste à s’engager dans une impasse et, au lieu de freiner, à s’étourdir en allant toujours plus vite ; la catastrophe est pour bientôt. Notre société ressemble à un conducteur perdu dans un quartier où toutes les rues sont bouchées par un mur. »
Sa conclusion : « Ce dernier siècle nous a apporté une extraordinaire moisson de possibilités dont nos ancêtres osaient à peine rêver.
Et pourtant que de guerres, de massacres, de misères, de désespoirs ! (…) Quel est donc le ver dans le fruit ? (…) Ce ver qui pourrit tout ne serait-ce pas l’attitude que nous adoptons envers les autres ? Cette attitude est aujourd’hui (…) fondée sur la méfiance, la compétition, la lutte. L’évidence est pourtant que la coopération est seule féconde.
Un livre à recommander en tous cas aux décideurs.
Pascale Ew. - - 57 ans - 2 avril 2007 |