Rue des Rigoles
de Gérard Mordillat

critiqué par Sundernono, le 7 juillet 2014
(Nice - 41 ans)


La note:  étoiles
Enfant de Belleville
Avec Rue des Rigoles, Gérard Mordillat retrace avec tendresse et nostalgie son enfance passée dans le vingtième arrondissement parisien.
Avant toute chose, rue des Rigoles est un récit de souvenirs autour du quartier Belleville/Pyrénées dans lequel l’auteur nous amène avec lui, de sa naissance à sa condition actuelle.
Gérard Mordillat grandit ainsi dans un Paris populaire entre une mère américaine professeur d’anglais et un père employé à la SNCF. Issu de la génération « baby boom » l’écrivain nous laisse un témoignage riche et particulièrement intéressant sur une époque particulière, celle des trente glorieuses car le récit s’il s’attache à son auteur n’en demeure pas moins une source de réflexions diverses sur l’évolution de notre société :
« J'appartiens à la génération privilégiée qui a vu le monde changer en 68. Pourtant, contrairement à l'injonction majeure de mes 20 ans, il est interdit d'interdire, j'affirme que si nous voulons vieillir en beauté, voir le grand soir tant espéré, il est impératif de rétablir l'interdiction absolue des pelouses. Sans pelouse interdite, pas de jeunesse révoltée, pas de damnés de la terre qui du passé veulent faire table rase, pas de Révolution. Rien qu'un avenir d'herbe sage et coupée au carré. L'horreur gazonnifiée. »

Au-delà de ces pensées, ce qui fait à mon avis le grand charme de ce livre est sa grande spontanéité. En effet Rue des Rigoles dégage une fraîcheur et une verve particulièrement communicantes. On tient dans les mains un récit profondément humain et c’est surtout cela qui m’a plu, oui, ce récit m’a vraiment plu. En disant cela je pense notamment aux passages sur l’enfance, l’adolescence et surtout à ceux sur les femmes écrits avec beaucoup d’humour et de tendresse. Jamais on ne rentre dans la facilité ou la vulgarité comme cela s’avère souvent le cas dans la littérature moderne où la sexualité fait vendre, surtout lorsqu’elle s’affiche de façon tapageuse.
Le style quant à lui est simple mais efficace, la plume est avisée et nous porte avec facilité jusqu’à la fin, qui n’en est d’ailleurs pas une, du récit.
Un roman plaisant et d’une grande fraîcheur
Nashville ou Belleville 8 étoiles

Voilà le genre de texte que l’on aime lire, un texte qui vient du cœur, quasiment sans passer par la case neurones. Bien sûr, Mordillat a travaillé sa prose pour arriver à ce résultat mais cela ne se sent pas. Evidemment, il a fallu du jus de cerveau pour faire ressentir, ressortir une atmosphère disparue, envolée, confinée aux livres d’histoire, celle d’un Paris populaire et populeux, un Paris à la Audiard, à la Antoine Blondin, un XXème arrondissement que l’on retrouve également sous la plume de Daniel Pennac, un Paris qui ne ressemble pas aux cauchemars de Jean-Pierre Pernault, une sorte de village au sein de la capitale.
Bref, un Paris de gouaille et d’argot, de l’école républicaine et des coups de règle sur les doigts, de classes non mixtes, de toilettes sur le palier, d’un communisme puissant, et d’émois pré pubères audacieux, chaque baiser étant le fruit de longues réflexions stratégiques ou de gifles retentissantes. Les nombreux cinémas du coin ont vu passer plus d’amoureux que de cinéphiles…

Vivant, spontané, plein de fraîcheur et de tendresse, ce roman biographique ne donne jamais dans la vulgarité ou la lourdeur. Et puis, pour moi qui parfois lis un crayon à la main pour noter les phrases intéressantes, j’aurais pu me retrouver à copier pratiquement tout le livre. A chaque page sa trouvaille, ou presque :

« Si je suis venu au monde les pieds devant, j’espère en partir la tête la première ».
« Au fond, je ne suis d’aucun pays, sauf de celui qui s’écrit ».
« Elevé sous le drapeau rouge, j’ai toujours vu mon père en bleu ».
« Les enfants trahissent toujours les rêves de leurs parents. »

Je peux continuer longtemps comme ça. Plus qu’une biographie, un manuel de savoir-être.

Numanuma - Tours - 51 ans - 28 avril 2015