Le mariage de Loti
de Pierre Loti

critiqué par Martin1, le 2 juillet 2014
(Chavagnes-en-Paillers (Vendée) - - ans)


La note:  étoiles
Rarahu
Ce roman avait initialement été intitulé "Rarahu", titre que je préfère cent fois.

Que dire de ce livre ? J'aimerais pouvoir vous certifier : Pierre Loti est un grand écrivain. Mais je n'en suis pas sûr. Il m'est arrivé de penser que j'aurais pu moi-même écrire certaines pages, et le vécu n'est-il pas une arme littéraire encore meilleure que le talent pour émouvoir le lecteur ? Loti est peut-être un grand écrivain, mais ce n'est pas grâce à ce livre que je peux le dire.

Non, je dirai plutôt : Pierre Loti est fascinant. Car m'imaginer un colonial poser le pied sur cette terre ancienne, rencontrer une population autochtone hospitalière et nouer une relation amoureuse avec une jeune Tahitienne, dans les faits seulement, cela suscite en moi une grande fascination. C'est si romanesque...

Lire ce journal de Harry Grant, dit Loti, permet d'imaginer plus en détail ce à quoi peut ressembler le choc entre deux cultures, la rencontre enchanteresse entre les heureux oisifs de Tahiti et les connaisseurs ébahis de l'Occident. Un fossé immense, un fossé véritablement, indéniablement intellectuel sépare Loti de Rarahu, et pourtant leur amour existe, envoûtant et improbable.

Aux détours de ses phrases, Loti soulève les problèmes du colonialisme : comment le christianisme peut-il être apporté à ces gens sans que leur propre culture ne s'effondre ? Lorsque Rarahu parle du Dieu des occidentaux, sa foi paraît immense et intime, et pourtant elle se demande si ce Dieu existe aussi pour elle. Pour Loti, dont la foi ne déplace sans doute pas les montagnes, ces questions ont trop de charme pour qu'on y apporte des réponses.
Quand l'auteur parle de Tahiti, on ne sait vraiment qu'en penser. Pas de travail, pas de champs de cultures : tout pousse, tout fleurit, tout donne du fruit, il n'y a qu'à tendre la main et elle se remplit d'agrumes suaves et exotiques. Pas de danger, pas de serpents ni d'animaux sauvages : on peut s'endormir au cœur profond de la forêt sans crainte. Pas de bruit : il n'y a pas de chants d'oiseaux, et la mer est toujours calme et tranquille.

Tahiti, c'est le plaisir des sens... c'est l'éternel printemps... c'est le lieu de délices par excellence... mais ce ne peut pas, ce ne doit pas être seulement cela !
Les crânes d'anciens sacrifiés, la disparition de la culture tahitienne, la folie meurtrière du prince, la maladie de l'enfant héritière, le chagrin de Rarahu... Tahiti est donc bel et bien une terre de souffrances. Nous en sommes presque soulagés...

Ce roman est léger, facile à lire, agréable et fascinant. Et pourtant, il m'a paru lourd, dans un sens mélioratif : lourd comme une Bible, lourd de questions et de mystères sur l'humanité.
Sous le regard des Toupapahous 7 étoiles

Le mariage de Loti est le deuxième roman de l'auteur et reprend d'ailleurs la même formule que pour Aziyadé, c'est à dire un européen découvrant une civilisation exotique tout en vivant une histoire d'amour avec une autochtone. La principale différence, si ce n'est le lieu de l'action est que la relation entre Loti et la jeune turque était cachée car interdite alors qu'ici elle est publique et totalement acceptée.

Avec une écriture tout aussi envoûtante, un cadre fortement dépaysant et un récit mieux maîtrisé que pour son premier roman je doit bien avouer que ce récit a eu tout les atouts pour me charmer et même si tout n'est pas toujours rose à Tahiti cela n'empêche pas de terminer ce livre en ayant l'impression d'avoir fait un beau voyage et c'est tout juste si l'odeur des fleurs de tiaré ne vient pas nous chatouiller les narines et les chants polynésiens les oreilles.

Cependant, il faut également bien reconnaître que cette œuvre a pris quelques rides car certains aspects reflètent tout de même bien la mentalité de l'époque. En effet malgré l’admiration et l'amour que porte Loti envers la culture tahitienne cela ne l'empêche pas de traiter ses habitants de "sauvages", certaines remarques sur les chinois vivant sur l'île peuvent clairement être qualifiées de racistes et même si l'histoire d'amour entre Rarahu est belle et touchante il ne faut pas oublier que la jeune fille a quatorze ans et lui vingt-deux. Certes, il est facile de juger avec notre regard contemporain et autres temps autres mœurs comme on dit mais cela ne doit pas empêcher d'avoir un regard critique sur certains aspects devenus un peu problématiques.

Malgré cela la lecture n'en a pas moins été très plaisante et je me suis fortement attaché à Rarahu qui se révèle être un personnage riche et complexe et même si l'intrigue n'est peut-être pas des plus renversante l'écriture de Loti la rend très agréable à suivre.

Koolasuchus - Laon - 35 ans - 25 avril 2021