Le Nao de Brown
de Glyn Dillon

critiqué par Blue Boy, le 27 juin 2014
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
L’enfer des TOC
Nao vient de se voir proposer par son ami Steve un job de vendeuse dans magasin de jouets nippons à Londres. Née d’un père japonais resté au Japon et d’une mère anglaise, la jeune et jolie jeune fille aurait presque tout pour être heureuse, mais elle souffre de TOC (troubles obsessionnels compulsifs), un mal obscur et incontrôlable. Nao est persuadée d’être méchante, chacune de ses pensées menaçant de la précipiter vers la folie meurtrière… Puis un jour, une rencontre fortuite avec un réparateur de machines à laver, Gregory, dont elle tombe immédiatement amoureuse, aura des conséquences salutaires.

Après une entrée en matière un peu laborieuse, où je ne comprenais pas trop où l’auteur voulait en venir, j’ai fini par me laisser entrainer dans cette histoire intimiste abordant un sujet assez peu traité dans le domaine artistique, a fortiori dans la BD. Il faut dire que les situations décrites n’ont rien d’extraordinaire et concernent une jeune fille en proie à ses obsessions et ses visions meurtrières, toujours plus ou moins sur le fil dès qu’elle se retrouve seule. Ainsi elle se reproche de ne pouvoir contrôler ses états d’âme.

Traiter un sujet concernant un désordre mental aussi singulier pouvait se révéler casse-gueule, mais l’auteur a su le faire de manière subtile, et avec originalité. Pour métaphoriser et tenir ainsi à distance l’étrange « maladie » de Nao, l’auteur recourt à un conte onirique japonais alternant discrètement avec le récit principal. Les dessins réalistes à l’aquarelle sont réussis et confèrent une ambiance empreinte d’une douceur réconfortante, celle qui caractérise les BD de Taniguchi, où les fardeaux de nos vies apparaissent comme allégés. D’ailleurs, l'album grouille de nombreuses références à la culture asiatique, ne serait-ce que parce que Nao en est issue par son père. Celle-ci pratique la méditation bouddhiste pour tenter de dompter sa névrose, il s’agit donc bien d’une quête initiatique, à la manière d’une souris paniquée cherchant des ouvertures dans un labyrinthe plutôt qu’un voyage comme ceux de Frodon ou Luke Skywalker. Ce qui permettra peut-être au lecteur d’y piocher des réflexions intéressantes qu’il pourra utiliser dans sa propre vie.

Exemple avec ce conseil du prof de méditation à l’adresse de Nao : « Les pensées n’ont pas vraiment besoin d’être surveillées. Avec les pensées, un peu comme avec les rêves, vous ne pouvez pas contrôler ce qui arrive. Mais vous pouvez vous faire happer par elle ou simplement les laisser être. » (p.196)

[Cet album a reçu le Prix spécial du jury à Angoulême en 2013]