Philippe le Bel
de Mathieu Gabella (Scénario), Christophe Regnault (Dessin)

critiqué par Shelton, le 29 juin 2014
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Une belle rencontre avec un roi à la poigne de fer...
Oui, la bande dessinée est beaucoup plus qu’un genre secondaire des arts narratifs, bien plus profonde, plus précise, plus scientifique, plus politique, plus drôle, plus prenante, plus policière, plus historique… que vous ne pensez, tout simplement !

Historique ? Oui, la bande dessinée peut vous accompagner dans l’Histoire, celle avec un grand H, de France ou d’ailleurs, de façon grand public, ou, parfois même, de façon très pointue. Par exemple, les éditions Glénat ont choisi de proposer une série, Ils ont fait l’histoire, pour redonner le goût de l’histoire aux lecteurs de bandes dessinées. Pour cela, il fallait arriver à pousser à travailler ensemble des historiens et des auteurs bédés. Pour chaque album, on a ainsi de véritables auteurs, une équipe d’historiens et un personnage important de notre histoire qui va prendre vie… et c’est là que l’on s’aperçoit que l’histoire est bien souvent plus forte, plus violente, plus passionnante que la fiction !

Cet album Philippe le Bel est signé Mathieu Gabella au scénario, un auteur confirmé qui a scénarisé chez Delcourt, entre autres, la très bonne série La licorne, série historique et fantastique autour du personnage d’Ambroise Paré. Du côté des historiens, on retrouve Etienne Anheim et Valérie Theis, et ils ont choisi de donner de ce roi un portrait le plus complet possible, sans se limiter aux clichés qui sont pourtant nombreux. Enfin, précisons, avant d’ouvrir l’album, que les éditeurs sont deux, Glénat et Fayard. S’il n’est pas surprenant de trouver Glénat dans une aventure historique, reconnaissons que la présence de Fayard dans le monde de la bande dessinée était plus improbable. Mais cet éditeur qui s’est illustré et s’illustre encore avec la publication de très bons ouvrages historiques, est là comme une caution scientifique – l’histoire est bien une science – et que la maison d’éditions doit se dire que redonner goût à l’histoire, y compris en utilisant la bande dessinée, c’est reconstruire un lectorat possible pour ses grandes biographies qui m’ont fait rêver, qui m'ont porté durant toute ma jeunesse…

Philippe le Bel, d’ailleurs est bien présent chez Fayard avec le remarquable ouvrage de Jean Favier que j’ai dévoré à l’époque en quelques heures. Cet ouvrage reste pour moi un ouvrage magistral et pertinent et je ne peux qu’en conseiller la lecture même si l’ouvrage n’a pas connu une diffusion extraordinaire car il a manqué une version de poche… heureusement, on le trouve encore en bibliothèque et d’occasion !

Philippe le Bel est un roi qui a connu une grande notoriété car c’est lui qui s’est trouvé confronté aux Templiers. Cet ordre richissime, puissant et mystérieux est mort de sa guerre contre le roi de France, sans que l’on connaisse aujourd’hui tous les tenants et aboutissants. La renommée du roi a été boostée par l’œuvre littéraire de Maurice Druon, Les rois maudits. Certes cette saga n’a pas à proprement parler la solidité historique d’une biographie comme celle de Jean Favier mais sa diffusion à la télévision dans une adaptation restée célébrissime a beaucoup fait pour noircir l’âme de Philippe le Bel sans pour autant rehausser celles des Templiers, de la famille royale ou du pape…

Le scénario de Mathieu Gabella ne se focalise pas ni sur la lutte à mort contre les Templiers ni sur les affrontements papauté-royauté. Le choix a été fait de nous proposer une vision beaucoup plus complète du roi, de son administration, de son époque… Il faut dire que ce roi est certainement un des personnages les plus étranges de son temps et on peut le regarder de plusieurs façons différentes : le roi avec le sens chrétien de la royauté française ; le premier technocrate à la française ; l’homme qui s’est entouré de plusieurs spécialistes, des finances à l’organisation du royaume ; le grand chasseur ; l’homme de pouvoir qui n’admet que difficilement d’être contredit ; le chrétien dont on ne sait rien sur sa propre foi… Bref, autant de Philippe le Bel, autant d’éclairages divergents sur une des grandes personnalités de notre histoire de France…

Ce roi est aussi un personnage avec son éducation, son caractère, ses proches. La grande force de cet album est basée sur la qualité du scénario qui rend le roi ni bon ni mauvais, ni égoïste ni généreux, ni objet de vénération ni personne à haïr toutes affaires cessantes… Ce Philippe intrigue, mérite d’être compris, percé, et remis dans son contexte… Cela devient passionnant comme un drame grec à l’ancienne…

Le dessin de Christophe Regnault intrigue au départ. J’ai craint, du moins un instant, de retrouver une narration graphique à l’ancienne comme dans l’histoire de France en BD de chez Larousse. Heureusement, très vite, on sort de ces ornières pour trouver un rythme solide, un graphisme solide, des personnages crédibles. L’histoire est dépoussiérée et le récit passe de l’illustration simple à la bande dessinée à proprement parler.

Je dois donc dire que j’ai beaucoup apprécié cette biographie, cette aventure, ce portrait… Cela donne envie de replonger rapidement dans le Philippe le Bel de Jean Favier ou celui plus récent de Georges Minois. On a aussi envie de découvrir rapidement les autres albums de cette série : Vercingétorix, Jean Jaurès, Charlemagne, Saint Louis…
Une pierre à la construction de l'Etat français 8 étoiles

Très bon album de la série "Ils ont fait l'histoire". Les auteurs se concentrent sur le milieu du règne de Philippe IV, au tournant du 13e et du 14e siècle, règne au cours duquel le roi aura à défendre son royaume de plusieurs menaces: le roi d'Angleterre; la Papauté toujours désireuse de supplanter l'autorité des princes régnants, les provinces et les villes de Flandre.
Au cours de ce long règne, Philippe aura le talent de savoir s'entourer de conseillers efficaces et dévoués, le plus célèbre, Guillaume de Nogaret incarnant parfaitement la nouvelle politique royale visant à mettre en avant le droit dans la gestion des affaires. C'est le grand apport de Philippe à l'histoire de France.
Tout ceci est très bien expliqué dans l'appendice écrit par une spécialiste de la période.
En bref, un excellent premier tome d'une série prolifique puisqu'elle compte aujourd'hui une vingtaine d'albums...

Vince92 - Zürich - 47 ans - 21 décembre 2016