L'empire comanche
de Pekka J. Hämäläinen

critiqué par Fanou03, le 19 juin 2014
(* - 49 ans)


La note: étoiles
Un choc des civilisations
Les Comanches furent sans doute l’une des tribus les plus puissantes d’Amérique du Nord. Du début du dix-huitième siècle à 1870 environ, avec certes parfois des fortunes diverses, les Comanches firent subir en effet d’énormes pressions militaires et socio-économiques sur les emprises européennes (Nouveau-Mexique et Texas en particulier) jouxtant leur territoire, territoire correspondant approximativement au cœur actuel des États-Unis.

Tour à tour (et parfois en même temps) guerriers accomplis mais violents, fins diplomates, commerçants actifs, le peuple Comanche représenta une entité-géopolitique de premier plan pendant cette période. Pekka Hämäläinen, à partir de ce constat, défend le concept d’un « Empire Comanche » qui aurait réduit ses marches européennes au rang de simple espace colonial, pillant et exploitant allégrement les établissements espagnols.

La monographie de Pekka Hämäläinen aborde donc l’histoire de ce peuple, sa naissance, son apogée puis son déclin progressif, en mettant en particulier l’accent sur les relations compliquées, conflictuelles et parfois ambiguës qu’il a entretenues avec les Européens. Les origines de la réussite du peuple Comanche sont largement abordées. L’utilisation du cheval comme arme de guerre, l’organisation de la société Comanche, ainsi que son économie, mêlant le pastoralisme et la chasse au bison, sont autant d’éléments expliquant ce succès.

Évidemment le titre même de l’ouvrage appelle le débat : peut-on vraiment parler d’Empire Comanche ? Sans pouvoir central, sans bureaucratie, sans véritable idéologie conquérante, l’Empire Comanche est en tout cas bien éloigné des modèles classiques et serait plus à rapprocher, de l’aveu même de l’auteur, des empires nomades d’Asie Centrale.

En tout cas le livre égratigne certaines idées reçues. Le discours traditionnel historique y est inversé (au moins pour un certain temps) en montrant des Indiens prospèrent et dominants, et des colons blancs luttant pour survivre. Le mythe de l’indigène vivant en harmonie avec la nature en prends aussi un coup puisque le déclin des Comanches serait largement dû à la surexploitation des troupeaux de bisons par les indiens eux-mêmes.

C’est donc un ouvrage passionnant que cet« Empire Comanche ». Pekka Hämäläinen y brosse avec talent et avec une remarquable clarté d'écriture la vie de ce peuple et sa mentalité, dont certains côtés, il faut le noter, sont assez déroutants pour nos esprits européens.

Cette différence de mode de vie et de culture et la rivalité pour les ressources économiques ne pouvaient que déboucher sur un « choc des civilisations », en particulier avec les États-Unis, qui administrèrent le Texas et le Nouveau-Mexique à partir des années 1850. De fait, les Comanches, déjà affaiblis par les épidémies et les aléas climatiques, ne se remirent jamais de la confrontation avec la puissance américaine.