Meurtre chez tante Léonie
de Estelle Monbrun

critiqué par Rotko, le 27 septembre 2003
(Avrillé - 50 ans)


La note:  étoiles
"Combray n'a rien perdu de son charme..."
Servez-nous un pastiche !
Le roman à énigme obéit à de délicieuses règles un peu désuètes. Faut-il ici les prendre au comptant ou au second degré ? D'une habituée du genre, on dirait qu'elle connaît bien les ficelles, mais d'une auteure dont c'est le premier roman, qu'elle est tombée dans la marmite tant la recette est bien suivie.
La présidente de la "Proust association" meurt assassinée, la veille même d'un important colloque. Les invités sont de première qualité : distingués universitaires, éditeurs prestigieux, amateurs éclairés. Les voilà donc rassemblés sur les lieux du crime, tous suspects, avec chacun une bonne raison d'en vouloir à la présidente, une "dame en rose" avide de respectabilité, une Verdurin qui convoite le titre des Guermantes.
Car ce roman est un pastiche - comme Proust aimait lui-même en faire, et du style du roman policier, et des personnages de la société mondaine, demi-mondaine, ou ancillaire, de La Recherche. On y reconnaît aussi des citations détournées, des clins d'oeil, jusque dans la pâtisserie du village, à l'enseigne de " la vraie madeleine".
Les tics, moeurs et préoccupations des éminents professeurs sont croqués avec finesse et drôlerie, comme les coulisses du savoir et les "dessous" ( en apparence bien sages )du petit monde universitaire. Estelle Montbrun parle en connaissance de cause : elle est spécialiste de Proust et enseignante dans le Supérieur.
Ah, Marcel ... ! 10 étoiles

Pour ce qui est du style, il est au-dessus de tout reproche. Il faut dire que ce roman fut rédigé par une authentique littéraire. Estelle Montbrun (nom de plume) est même allée jusqu’à me faire découvrir deux ou trois mots que je ne connaissais pas, comme « onomastique » (non, ce n’est pas pour faire tenir les vitres).
Pour ce qui est du plaisir culturel, n’étant pas adepte de Proust, j’ai appris certaines choses et qui plus est, je l’ai fait avec plaisir.
Pour ce qui est du roman lui-même, mon goût allant aux romans policiers « classiques » : énigme à découvrir, fil conducteur, indices, études du milieu et de caractères etc. j’ai été comblée.
Je me suis régalée avec ce polar auquel je mets sans hésiter 5 étoiles dans son genre.
L’énigme est intéressante, les personnages bien croqués et la découverte des dessous plein de mesquineries et d’âpreté du monde universitaire comme celui de l’édition m’a enchantée. Ce monde où l’on fréquente « quelques personnes choisies en fonction de leur degré d’utilité pour aider à grimper l’échelle sociale »...
Le commissaire Foucheroux (celui qui » ressemble à Al Gore ») est assez sympathique, tout comme son adjointe. C’est avec intérêt qu’on les voit progresser sur la piste de l’assassin. Les faux indices se mêlent aux révélations tronquées lors de l’enquête et des interrogatoires. On se délecte. On devine juste un peu avant le détective, exactement comme il se doit. C’est parfait.

PS : onomastique= qui a rapport aux noms propres.

Sibylline - Normandie - 74 ans - 21 décembre 2004