Terminus Belz
de Emmanuel Grand

critiqué par BMR & MAM, le 3 juin 2014
(Paris - 64 ans)


La note:  étoiles
Polar en l'île
Après L'île des hommes déchus de Guillaume Audru, voici Terminus Belz, d'Emmanuel Grand, encore un polar franco-français, encore un premier roman.
Cet auteur vendéen nous emmène au large de Lorient dans une petite île bretonne qu'il a choisi de nommer Belz.
Belz sera le terminus de la cavale de Marko, un ukrainien passé à l'ouest : une odyssée rapide et violente qui se termine mal pour les passeurs roumains et véreux et pas très bien pour les compagnons d'infortune de Marko. Le voici planqué en l'île, espérant échapper ainsi à la mafia roumaine toujours à ses trousses.
Les îliens voient d'un mauvais œil cet "immigré" qui se fait passer pour un grec et qui vient prendre une place sur un chalutier : l'île n'est pas grande et les poissons se font de plus en plus rares.
Il n'y a que Joël pour prendre Marko en affection, qui a perdu son fils en mer et qui voit peut-être là une nouvelle compagnie pour les sorties en mer.
Il est d'ailleurs pas mal question de pêche, ce qui nous vaut quelques belles scènes en mer.
Mais le temps va vite se gâter pour Marko : un cadavre est découvert sur une plage, salement mutilé. Un de ceux qui ne voulaient pas trop de bien à notre faux grec. En plus de la mafia roumaine, voilà maintenant que la police française s'intéresse à Marko : Belz n'était peut-être pas une bonne idée de planque.
Les esprits s'échauffent sur la petite île qui vit en vase clos et où l'on tourne vite en rond : les superstitions resurgissent depuis la forêt, le curé vitupère du haut de sa chaire, les rancœurs macèrent dans l'alcool, la bêtise prospère au seul café du coin ...
Les fantômes du passé débarquent et revoici l'Ankou, un avatar breton de la Grande Faucheuse, qui vient réclamer son dû.
On retrouve là une ambiance assez proche de l'Armée furieuse animée par Fred Vargas, l'humour en moins, lorsque les peurs ancestrales et les vieilles croyances viennent se mélanger confusément à des actes criminels bien d'aujourd'hui.
Le bouquin d'Emmanuel Grand est plutôt bien écrit, une prose professionnelle mais un peu formatée au standard actuel et anonyme des polars, et il faut reconnaître qu'au fil des pages, son scénario devient de moins en moins crédible, tant pour la partie mafia roumaine que pour le volet bretonnant.
On déplore quelques clichés qui pèsent un peu lourds comme cette inutile romance avec la si gentille institutrice qui n'attendait que notre malheureux et valeureux héros.
On s'exaspère aussi de l'intrusion horripilante d'e-mails dans cette histoire : encore une fois, quitte à passer pour ringard, on ne comprend pas pourquoi les auteurs contemporains cherchent ainsi à faire pseudo-moderne et soit-disant branché. À moins qu'il s'agisse là d'une facilité scénaristique un peu paresseuse ?
Le roman de l’île 7 étoiles

Drôle de livre, « Terminus Belz ». Les choses démarrent bien : écriture nerveuse, personnages bien campés, scènes très réalistes, thèmes intéressants (immigration clandestine, mafia roumaine…).

Mais dès l’arrivée du protagoniste à Belz, petite île bretonne au large de Lorient, c’est comme si une malédiction teintait progressivement le déroulement des événements, qui deviennent de plus en plus irréalistes, avec nombre d’éléments inexplicables, finalement expliqués soi-disant par la présence maléfique de l’Ankou…

Je ne suis pas du tout rentrée ce délire fantastique, qui m’a rappelé « From dusk till dawn », film écrit par Tarantino dans lequel les protagonistes arrivent dans un motel pour y passer la nuit : tout semble normal puis subitement on nage en plein délire, certains se transforment en vampires et tout part en vrille.

J’aurai certainement envie de lire le prochain livre d’Emmanuel Grand car je trouve l’auteur talentueux, mais je n’ai pas d’affinités avec l’évolution de l’histoire dans « Terminus Belz » – ce qui n’a pas empêché le livre de remporter le Prix Tenebris, attribué au meilleur roman policier écrit en français et distribué au Québec.

Cameleona - Bruxelles - - ans - 26 juillet 2015


Tempêtes sous les crânes et mer agitée. 8 étoiles

Tempêtes sous les crânes et mer agitée.

« Un jour de janvier, Marko Voronine et trois autres Ukrainiens quittent leur pays pour la France, cachés à l'arrière d'un camion. Le voyage pourrait se faire en quelques heures, mais les passeurs roumains sont des tordus décidés à se payer du bon temps avec la jeune fille montée à bord. Les clandestins parviennent à les maîtriser, à s'emparer du camion et à récupérer leur argent. »

Nous voilà donc dans un thriller qui alterne les actions des poursuivis et des poursuivants. Ceux-là sont des fugitifs vulnérables, ceux-ci des professionnels qui ne font aucun cadeau, y compris entre eux.

Mais lorsque le principal protagoniste (Marko Voronine) se retrouve marin pêcheur - de fortune, sur l’ île de Belz, dans le Morbihan (sans doute île Saint Cado près de Belz), le récit devient un polar haletant : entre les îliens règnent solidarité et discorde, affrontements existentiels et désaccords sur fond de mentalités superstitieuses.

La galerie des insulaires est large, mais le lecteur s’y retrouve bien, dans un collectif qui a ses rites au bistrot et à l’église locale, sans doute aussi dans les drames passés des travailleurs de la mer. La crainte des nouveaux périls s’alimente de sinistres augures, de disparitions et de cadavres.

Emmanuel Grand tisse de ces différents fils un texte sans cesse relancé par les appréhensions du fugitif, les rêves, et des hallucinations individuelles ou collectives, bien compréhensibles dans un contexte de mer cruelle et de paysages sous marins déchiquetés.

C’est un premier roman dont l’appendice sympathique remercie la participation d’auxiliaires à l’écriture. L’intrigue est forte, rondement menée, les personnages, divers et bien plantés, moins peut-être pour les femmes.

On suivra donc avec intérêt cet auteur qui entre par la grande porte, déjà sélectionné pour le prix Lebrun du polar, et dont les droits ont été achetés, pour un film avec scènes d’action, maritimes, terrestres et rocailleuses, terreau fertile pour une belle réalisation.

Rotko - Avrillé - 50 ans - 29 août 2014


Faux-semblants 5 étoiles

Cette double histoire de course poursuite d’un réfugié roumain, qui doit échapper à un tueur puis au risque de dénonciation des habitants de l’île dans laquelle il a trouvé de l’embauche comme marin en se faisant passer pour un grec, soutient l’intérêt jusqu’aux 2/3 du livre qui bascule ensuite un peu dans la répétition et l’ésotérisme, des clichés et de la bien-pensance gentille.

Le dur travail artisanal des pêcheurs avec l’absence de négociation face au représentant de la seule centrale d’achat qui se déplace pour faire son marché est montré et explique certaines situations. Les mythologies antiques et locales (ankou) sont entremêlées pour tenter de trouver un sens à des phénomènes qui doivent aussi beaucoup à l’autosuggestion et à la peur. Les sentiments et les déchirements que peuvent ressentir et s’infliger les êtres humains sont présents : enfant et femme battus, alcoolisme, amour et amitié, camaraderie, peur, dévalorisation de soi et sentiment de puissance, revanche, ... Et si le coupable officiel du crime qui a lieu que la police déterminera sera le bon, elle n’arrive à cette conclusion que par défaut, d’autres acteurs ayant élucidé l’affaire.

Un roumain passe clandestinement en France avec 3 autres compatriotes. Les chauffeurs ayant tenté d’abuser de la jeune fille de leur groupe, ils en tuent un en se battant et s’enfuient avec l’argent du voyage. Ils se séparent car ils savent que la mafia les poursuivra pour l’affront qu’ils lui ont fait subir. Marko va dans l’ouest et trouve du travail sur une petite île bretonne sur un chalutier pour aider le patron qui a perdu son fils. Les hommes ne lui font pas bon accueil au port car il est étranger et le travail est rare.

IF-0814-4261

Isad - - - ans - 4 août 2014