Charlemagne
de Clotilde Bruneau (Scénario), Vincent Delmas (Scénario), Gwendal Lemercier (Dessin)

critiqué par JulesRomans, le 25 juin 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Charlemagne graine de Pépin
L’ouvrage débute au moment où décède Pépin le Bref maire du palais de 741 à 751, puis roi des Francs de 751 à 768. C'est le premier monarque de la dynastie des Carolingiens et le père de Charlemagne et Carloman. On n’insiste pas sur cette courte période où ces deux derniers se partagent le royaume franc.

On perçoit ensuite que ce sont les Lombards et les Saxons qui vont lui causer bien des soucis. Les conditions dans lesquelles le pape fait l’acquisition, grâce au soutien de Charlemagne, de ses premiers territoires, est traité en trois pages. Bien entendu la bataille de Roncevaux est traitée, en ne laissant pas de doute sur les agresseurs, à savoir les Basques. Les lecteurs lorrains apprécieront de voir de nombreuses vignettes de l’univers du palais de Charles situé à Thionville.

Nous suivons les épisodes de la vie de Charlemagne jusqu’à son couronnement comme empereur en l’an 800 ; par contre la BD fait l’impasse sur la quinzaine de dernières années de la vie de celui-ci. Rappelons que 2014 marque le 1200e anniversaire de sa mort. Les pages documentaires sont extrêmement intéressantes et parlent en particulier de l’organisation du royaume puis de l’empire, des relations complexes avec le pape et des sources que l’on dispose pour écrire l’histoire de cette époque, afin d’éviter le plus possible la reprise de légendes.

"Charlemagne" appartient à une collection consacrée chez Glénat à des personnages historiques de premier plan comme Jean Jaurès (sorti récemment) ou Soliman et Gengis Khan pour les mois à venir. Le choix de mettre comme coscénaristes des chercheurs en histoire évite, d’après ce que nous avons vu dans quelques tomes, la reprise de légendes autour du personnage et des erreurs factuelles (dans d’autres BD historiques, on a vu des propos prêtés au personnage qu’il ne pouvait avoir tenus).

Le graphisme est fouillé et élégant, il permet d’appréhender de façon agréable le mode de vie de certaines catégories de la population de l’époque. En complément on pourra lire, que l’on soit adulte ou adolescent, l’ouvrage assez didactique (mais remarquablement bien illustré) "Charlemagne" de Raphaël Dargent et Florent Vincent présenté sur ce site.
L'empereur à la barbe fleurie...portait la moustache... 7 étoiles

La série “Ils ont fait l’histoire” associe deux éditeurs, Fayard, surtout connu pour ses éditions de livres historiques et Glénat, l’un des ténors de l’édition de bande dessinée franco-belge. La collaboration des deux maisons d’éditions avait pour but de lancer cette série à base de biographies des personnages importants de l’histoire du monde, et plus précisément de l’histoire de l’Europe. Qu’on en juge, jusqu’à présent, Philippe le Bel, Napoléon, Soliman le magnifique, Gengis Khan ou Vercingétorix ont déjà été couvents… Dans cet album, c’est Charlemagne, l’Empereur d’Occident, qui a la vedette. Les auteurs ont choisi de concentrer l’histoire de Charles le Grand (Carolus Magnus) sur certains aspects du monarque : Son côté conquérant, sa volonté d’organiser l’administration de son Empire, son rôle de protecteur de la religion et du Pape essentiellement.

Sans doute que ce personnage, européen avant l’heure, a bénéficié d’une certaine légende dorée : l’Empereur à la barbe fleurie, inventeur de l’Ecole, unificateur de l’Europe, administrateur hors-pair, etc… Loin de démentir intégralement ces légendes, l’ouvrage revient dessus et précise les aspects fondamentaux du règne de Charlemagne. Ainsi, le lecteur peu au fait de l’histoire du monarque s’apercevra que ses conquêtes ne seront jamais aisées : de la soumission des royaumes arabes du Nord de l’Espagne à l’annexion des territoires des Saxons ou des Lombards, les conquêtes de Charlemagne ne seront jamais des promenades militaires et parfois d’achèveront en piteux désastres (le siège de Saragosse devra être levé et la retraite vers les territoires francs s’achèvera piteusement pour l’arrière-garde de l’armée). Pis, on lit que Charlemagne, loin de son image de despote éclairé dont il bénéficie dans la tradition populaire a pu se rendre extrêmement violent : en témoignent par exemple les Saxons qui ont toujours voulu résister au remplacement de leur religion par la foi chrétienne. L’énergie administratrice de Charlemagne est mis particulièrement en évidence, de la mise en place des émissaires royaux, les fameux missi dominici, à l’organisation de l’éducation de cette administration, Charlemagne a toujours cherché à rationaliser son pouvoir, même si parfois ceci a conduit à déposséder des membres de sa famille de ce même pouvoir, tels ses neveux ou son propre fils Pépin. Enfin, Charlemagne pour asseoir son pouvoir saura habilement utiliser l’influence du Pape et de la foi chrétienne dont il se fera le champion.

Indubitablement, cet album est le fruit d’un travail historique sérieux, le petit dossier à la fin en témoigne, le lecteur apprendra beaucoup de choses sur cette grande figure de notre histoire. Un petit bémol, le dessin est parfois maladroit (personnages) mais reste d’un bon niveau la plupart du temps.

Vince92 - Zürich - 47 ans - 13 juillet 2015