Jaurès
de Jean-David Morvan (Scénario), Frédérique Voulyzé (Scénario), Rey Macutay (Dessin)

critiqué par JulesRomans, le 24 juin 2014
(Nantes - 65 ans)


La note:  étoiles
Jaurès tribun sans peur et sans reproche
"Jaurès" prend l’angle fictif de nous reconstituer la vie de Jean Jaurès à travers la lecture que font le père et le frère d’articles que l’assassin de Jean Jaurès aurait collectionnés depuis fort longtemps sur sa future victime. Comme ces deux-là sont présentés d’esprit aussi nationaliste que Raoul Villain, cela nous permet d’approcher la haine que suscita, dès son passage au socialisme, le tribun socialiste.

Les informations fournies vont bien au-delà de celles dont aurait pu disposer l’assassin de Jaurès. On est de plus face à deux temporalités, celle du passé de Jaurès dans lequel nous plongent deux acteurs et celle du présent.

L’ouvrage ouvre sur l’assassinat, traité en trois planches, de l’archiduc d’Autriche à Sarajevo. D’autres titres dans la BD francophone mettent en scène de façon conséquente cet attentat, il s’agit de l’ouvrage " Le long hiver 1914, tome 1 " de Patrick Malllet paru chez Casterman en 2012 et de "François Ferdinand La mort vous attend à Sarajevo" qui est sorti à la mi-juin 2014 chez Bamboo. L’action au présent nous amène ensuite à Paris dans l’appartement de Jaurès puis à Rochefort en Charente-Inférieure où le 5 juillet 1914 le leader socialiste tient une réunion (des vues intéressantes de quartiers de la ville sont présentes). On suivra ainsi les derniers jours de Jaurès dans les lieux parisiens qu’il fréquente, en particulier la chambre des députés et les locaux du journal "L’Humanité". Le Pré-Saint-Gervais, Dijon et Bruxelles sont également des villes où Jean Jaurès se rend dans les derniers jours de sa vie. L’assassinat du directeur de "L’Humanité" couvre trois planches entières et on a évité heureusement la légende du pharmacien refusant des soins à Jaurès.

La BD "Sang noir" de Frédéric Chabaud (Scénario) et Julien Monier (Dessin) met également en trois pages le dernier jour de vie de Jaurès, toutefois tout en nous montrant le visage de Raoul Villain, elle nous épargne l'assassinat du leader socialiste. "Jean Jaurès contre la barbarie" de Jean-Luc Vézinet et Nane Vézinet est un roman historique pour adolescents à conseiller de lire en complément aux jeunes.

Est offerte en affiche autonome la reproduction de la première page du premier numéro de "L’Humanité", celle du 18 avril 1904 où on évoque la guerre russo-japonaise. Un dossier documentaire de 10 pages termine l’ouvrage, on y note en particulier une carte de France, avec ses frontières de 1947 (on aurait pu mettre une carte de l’époque), où figurent les villes dans lesquelles Jaurès tint des discours importants (pour le Centre-Ouest par exemple Nantes, Tours, Châtellerault, Niort, Rochefort et Royan). Le graphisme renvoie à ce qui est le plus sophistiqué en matière de BD historique. Glénat débute ainsi magistralement une collection consacrée à des personnages historiques de premier plan comme Charlemagne (sorti récemment) ou Soliman et Gengis Khan pour les mois à venir.
Travail sérieux mais parfois ennuyant 6 étoiles

Après Charlemagne, figure tutélaire occidentale, j'ai lu la biographie de Jean Jaurès, figure du socialiste français dans cette collection "ils ont fait l'histoire" des éditions Glénat et Fayard.

Les auteurs ont fait le pari de raconter ce personnage mythique de l'histoire de France dans un laps de temps très court, un mois avant le déclenchement du Premier conflit mondial et donc de la mort de Jean Jaurès. En effet, le parti pris de l'album est de décrire la pacifisme forcené de Jaurès, les efforts qu'il a déployés pour éviter une déflagration qu'il jugeait effroyable, et ce, jusqu'aux derniers moments. L'histoire lui a donné raison, et, alors que ses adversaires lui faisait endosser le costume du traître, l'album précise les intentions de Jaurès... loin de vouloir capituler face au militarisme allemand, Jaurès voulait unir les ouvriers des deux côtés de la frontière pour s'opposer à une guerre qu'il jugeait téléguidée par les puissances d'argent. Malheureusement, provoquer une grève générale aurait immanquablement eu des répercutions sur l'appareil productif national... difficile paradoxe... impossible à dénouer.

Les auteurs malheureusement présentent un récit par trop hagiographique selon moi, sans mettre en reliefs les zones d'ombres du personnage. Jaurès apparaît toujours comme la figure positive de l'époque au point que le lecteur habitué aux nuances ne croira pas à un portrait d'une telle monochromie. Par ailleurs, la multiplication des scènes de discours aux différentes assemblées en publics, aux réunions politiques rendent le récit peu didactique, intéressant certes, mais dans le cadre d'une bande dessinée, c'est sans doute un peu trop... trop statique, l'ensemble perd de sa force. Peut-être que le sujet, in fine ne se prêtait pas à l'exercice?

Vince92 - Zürich - 46 ans - 15 juillet 2015