La guerre des salamandres
de Karel Čapek

critiqué par Isad, le 18 mai 2014
( - - ans)


La note:  étoiles
Quand la facilité mène à l’esclavage
Cette satire, prémonitoire puisqu’elle a été éditée en 1936, montre comment la découverte de quelques animaux marins isolés que l’on peut apprivoiser, qui peuvent parler et qui sont durs à la tâche peut transformer le monde. Il suffit de favoriser leur prolifération pour la bonne cause, puis qu’un chef aux idées hégémoniques les fédère. Leurs revendications pour obtenir plus d’espace vital marin feront déchanter tous ceux qui croyaient avoir à disposition une main-d’œuvre docile.

L’auteur raconte l’histoire parfois sous une forme journalistique avec des faux extraits de presse ou de conférences scientifiques, écornant les savants experts qui discourent de façon contradictoire, des réflexions politiques grandiloquentes avec des bons sentiments sans souci de conséquences. Tout au long du livre, il donne quelques anecdotes sur des personnages secondaires, se moquant des riches timorés et des belles comédiennes sans cervelle.

Les expressions utilisées sont parfois un peu désuètes mais ce qui est dit de la nature humaine reste terriblement d’actualité.

IF-0514-4224
Satire fantastique pré – seconde guerre mondiale 8 étoiles

Karel Capek est tchèque et écrivit ce roman en 1936. Ce qui pourrait passer pour un simple roman de science-fiction se révèle bien un conte, anticipant les terribles évènements qui bouleversèrent l’Europe et le Monde dans les années qui suivirent.
L’air de ne pas y toucher ce conte aborde les questions du capitalisme, du rationalisme, voire de l’écologie (en 1936 !). Il règle des comptes aussi avec la science, lorsqu’elle est mise sur un piédestal, avec le journalisme d’opérette, le cinéma à la gomme … Karel Capek était réellement un visionnaire. Pour ce qui est des ravages du rationalisme, il ne faudra pas attendre longtemps pour avoir confirmation de ses thèses. Heureusement ( !) il mourra en 1938 et ne verra pas le régime nazi car il est dit qu’il figura sur les listes des écrivains recherchés pour être envoyés en camps de concentration.
Tout part d’un brave capitaine de bateau batave, Jan Van Toch, qui cabote en Asie du Sud-Est du côté de la Malaisie (bonjour Joseph Conrad !) et qui fait fortuitement la découverte d’une race de salamandres singulière puisque bipède, dotée d’une forme d’intelligence certaine, et facilement éducable. Tant et si bien que Jan Van Toch voit bien le profit qu’il peut tirer de cela : il les utilise pour pêcher des perles. Richesse ! Mais de fil en aiguille, les salamandres, pas folles, présentent revendications sur revendications, oh pas bien grave ; des couteaux pour se défendre contre les requins qui les déciment … Puis on va avoir l’idée d’utiliser la capacité des salamandres à comprendre et exécuter des travaux toujours plus compliqués pour bâtir sous la mer. Et puis on va les exporter. Elles vont se répandre sur les rives des cinq continents, puis … confrontation avec l’homme.
La salamandre gentille et utile s’avère un concurrent pour l’homme. Une guerre va s’ouvrir …
C’est dans la description de ces différents mécanismes qui amènent une salamandre indigène qui ne fait de tort à personne à conquérir le monde que Karel Capek, par touches successives, met en évidence les carences et les incohérences de notre monde, déjà en 1936. Et c’est très fin. Et très juste …

Tistou - - 67 ans - 1 juillet 2017