Je ne suis pas très familier des « mangas » n'en ayant vraiment lu que deux ou trois, de tendance « cyberpunk » et s'inspirant de Philip K. Dick au point d'en faire un personnage dans deux séries : « Ghost in the shell » qui reste mon préféré, « Akira » et ses enfants tellement sages et dociles qu'ils en provoquent l'apocalypse, le sympathique « Co Boy Be Bop » qui mêle Jazz et SF post-apocalyptique ou « Gunm », « Pinnochio » en plus dur, ayant apprécié aussi « le tombeau des lucioles » ou « 5mms par secondes » dans un autre style. Je connais cependant mieux les « comics » américains qui sont, rappelons le, en droite ligne les descendants des « romans feuilletons » français et des « pulps » du début du XXème siècle.
Dans ces ouvrages réputés sous-culturels car populaires, sur les marges de la culture, les auteurs en disent souvent plus sur la société que bien des pensums d'éditorialistes ou de philosophes de comptoir d'émissions télé. Et ce genre tout comme le « Genre » en général en racontant, en décrivant les marges de la société moderne en démontre la vacuité de sens et ce malgré tous les outils technologiques que nous avons à notre disposition dont on peut dire que paradoxalement ils bloquent toute communication réelle plutôt que de l'aider....
« Prophecy » (« Yokokuhan ») est un manga de Tetsuya Tsutsui en collaboration avec les éditions Ki-oon. Ce qui me rebute habituellement dans les mangas est qu'ils sont interminables, dans celui-ci l'histoire se déroule sur trois tomes et raconte les actes et ce qui s'ensuit de « Paperboy », internaute anonyme, qui annonce des « prophéties » en vidéo sur le Réseau, le visage camouflé par une couverture de journal ce qui lui permet de préserver son anonymat et d'assurer de l'authenticité des vidéos tournées, « prophéties » finissant toujours par se réaliser et qui consistent à ridiculiser des politiques, des patrons, des journalistes, voire la police, pour apparemment venger les plus faibles, les inadaptés, les rétifs à la norme.
Rapidement « Paperboy » fait le « buzz » sur les réseaux sociaux et provoque l’admiration des « geeks » et autres « otakus » qui ne s'attachent qu'à l'écume du phénomène, et pourtant ses motivations, s'il est bien tout seul, sont tout autres, plus profondes aussi ainsi que s'en apercevra la jeune femme à la tête de la brigade de la cybercriminalité, et logiques dans notre monde en quête de repères, celle-ci aidant à la fin à ce qu'il réalise son but premier, des éléments dont je ne vais pas parler ici pour ne rien dévoiler de l'intrigue.
Ce manga est beaucoup plus intelligent et plus fin que la plupart des « comics » actuels qui veulent faire « culte » de suite, singeant Franck Miller entre autres, qui sont formatés pour ne déplaire à personne et d'un politiquement correct qui laisse songeur. Il parle d'un pays, le Japon, où les travers de notre propre société sont exacerbés, décuplés, et donc de nos travers à nous, de notre fascination pour la technologie et notre oubli de l'humain.
AmauryWatremez - Evreux - 55 ans - 6 juin 2014 |