Vert
de Marie-Andrée Lamontagne

critiqué par Libris québécis, le 10 septembre 2003
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
La Jeunesse telle qu'elle est
Quand on a atteint la soixantaine, c'est avec nostalgie que l'on regarde les jeunes de 17-20 ans. Si l'amertume nous a épargnés, c'est un vrai plaisir de les voir aller, inconscients des dangers de la vie. On ne souhaite pas qu'ils cassent leur pipe. Au contraire, on espère qu'ils aillent au bout de leurs rêves. Rimbaud disait «qu'on n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans». C'est à voir.
Dans son roman, Marie-Andrée Lamontagne trace un tout autre portrait des jeunes, qui viennent de terminer leur cégep (leur bachot). Comme Alain-Fournier dans Le Grand Meaulnes, elle les montre plutôt angoissés à l'orée de leur vie adulte. Ils ne veulent pas devenir comme ces adultes «avec leurs deux pieds sur terre, et le mot nécessité qu´ils ont tout le temps à la bouche, le loyer, les factures de gaz et d´électricité, les notes de téléphone, et leurs trois repas par jour, et leurs bonnes nuits de sommeils.
Ils vieillissent, confits dans leurs habitudes d«insectes, et quand ils relèvent la tête, c´est pour se consoler avec des feuilletons stupides à la télé.»
À Saint-Adrien-d'Irlande, village sis autour des mines d'amiante, trois jeunes se morfondent pour trouver une orientation à leur vie. Francis, le héros et narrateur, se trouve un emploi d'été grâce à son père avant de continuer ses études à l'université. Son ami Fritz décroche un job de mineur dans son patelin. Et Tania, le membre pratique du groupe, écoute leurs élucubrations devant sauver l'humanité en péril. Pour Fritz, le socialisme est la panacée à tous les maux. Il s'implique donc dans son milieu de travail pour défendre les employés contre les industries minières, qui font fi de l'amiantose à l'origine du cancer du poumon. Francis, tout aussi ouvert sur les problèmes sociaux, hésite à choisir la direction à emprunter pour les régler. Il est plutôt impressionné par son oncle, très engagé dans les pays du tiers-monde comme missionnaire. Il entrevoit plutôt un apport libre de toute idéologie. Quant à Tania, il est clair que la poursuite de ses études est nécessaire pour devenir une bonne apôtre sociale.
Ce roman est une bonne illustration de l'idéal qui anime les jeunes. Ceux qui les croient désintéressés de tout s'interrogeront en lisant Vert. Le vert de l'espérance des plus âgés qui croient en eux. Les Vertes Années décrites jadis par Cronin, présage d'un temps nouveau. La jeunesse n'est pas uniquement le temps des utopies. L'amour figure aussi au premier plan de leurs préoccupations. Même s'il est idéalisé, il n'en reste pas moins que chacun l'expérimente à sa manière. Pour Francis, il s'incarne dans la personne de Roxanne, trouvée couchée dans un champ par un beau matin. Le héros se fait donc le bon samaritain, qui veut guérir les blessures de cette femme de quinze ans son aînée. Comme tous les jeunes, il se donne le rôle de sauveur. Il l'entraîne dans la chapelle d'un cimetière non loin de chez lui afin de la soustraire à ses poursuivants. C'est dans ce contexte que naît son amour plutôt platonique. Un autre apprentissage qui s'opère pour que le concept trouve son actualisation.
L'auteure a magnifiquement décrit cet âge, qui se situe entre deux eaux, entre le rêve et la réalité. Elle a su rendre ces jeunes crédibles en les situant bien dans l'univers qui les caractérise. Elle les incarne d'abord dans la région de l'amiante, dont l'exploitation se fait à ciel ouvert. Mais les montagnes de minerais qui encerclent le village n'empêche pas «la sève de monter à la tête». «Si le culte de la jeunesse assassine les anciens», écrivait Huguette Maure dans La Cinquantaine au masculin, dans le roman de Marie-André Lamontagne, on montre des jeunes qu'on ne dénature pas en faisant d'eux des vedettes à imiter. L'auteure les montre tels qu'ils sont : des êtres hésitant devant les multiples choix qui s'offrent à eux. Et le plaisir de lire ce roman est agrémenté par une écriture fort bien maîtrisée.
Tranches de vies sans goût 2 étoiles

Quelques mots pour un roman abandonné avant la fin. La dédicace à Emma Bovary me paraît pertinente, puisque tout comme elle, je me suis ennuyé. Le texte est passif, alterne d’un personnage à l’autre sans fluidité, et est constamment embourbé dans la torpeur d’une écriture fade et inadéquate. Même lorsque l’on parle de l’ordinaire, il faut trouver un angle afin que ça ne le soit pas.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 26 juillet 2006