La confrérie des moines volants
de Metin Arditi

critiqué par Papyrus, le 2 mai 2014
(Montperreux - 64 ans)


La note:  étoiles
Hommes de foi au coeur des ténèbres bolcheviques
Comme dans Le Turquetto, son précédent roman, Medin Arditi place l'art au cœur de l'humain. Dans sa première partie, l'histoire se déroule en 1937 dans la Russie bolchevique qui fait la chasse aux lieux et aux hommes de foi et réprime dans la violence et la destruction toute appartenance à la religion orthodoxe. Un moine en fuite, Nikodime Kirilenko recueille une douzaine de ses congénères dans une forêt proche de Saint Petersbourg où il reconstitue une petite communauté qui va tenter de survivre aux persécutions du NKVD. Bientôt, le mystérieux et torturé moine Nikodime va donner un sens à l'existence précaire et difficile de sa communauté: sauver de la destruction les trésors d'art sacré qui peuvent encore être soustraits à l'aveuglement iconoclaste des bolcheviques.
La seconde partie du livre nous transpose à Paris en Mai 2000. Mathias Marceau, un photographe français de renom assiste au vernissage d'une exposition de ses œuvres. Puis tout se précipite, le décès de son père, brutal, la découverte de pans entiers d'un passé qu'il ignore, de ses origines russes orthodoxes et le devoir de retourner aux sources d'une famille dont il ignore tout...
L'histoire est construite comme une enquête où l'on remonte le temps avec Mathias qui sans grande conviction découvre un peu malgré lui ses racines russes et peut-être aussi l'héritage artistique qui le constitue. Medin Arditi porte un message centré sur le pouvoir de l'art, l'art qui façonne les hommes, les transcende et qui, comme dans le Turquetto survit aux dogmes et aux intégrismes de tous poils, politiques ou religieux.
Un très beau moment de lecture où le courage et la résistance sont remis en lumière après des décennies de ténèbres.

Note de l'auteur: Le vendredi 26 avril 2002, le Saint Synode de l'Eglise Russe, placé sous la haute autorité du Patriarche Alexis, a élevé Nikodime Kirilenko au rang de martyr.
Pas assez approfondi 6 étoiles

Voilà un roman qui ne restera pas dans mes annales. Il est découpé en deux parties, une située en 1937 en Russie et une autre qui se déroule de nos jours à Paris. On suit tout d’abord le destin d’un moine fanatique, qui va créer une confrérie avec des religieux survivants des attaques de Staline. Les évènements m’ont semblé répétitifs et lassants. En effet, on assiste au fur et à mesure au recrutement des nouveaux membres de cette communauté, au résumé de leurs passés respectifs puis finalement aux vols des différents trésors, et dès l’instant où on commence à s’attacher aux personnages, le récit se termine. Dans un second temps, on se retrouve deux générations plus tard, quand Matthias, photographe de mode, va trouver un document qui va lui dévoiler ses origines douloureuses. Et là le roman devient superficiel, trop expéditif. Metin Arditi survole le sujet et on arrive au bout du livre sans grande conviction en passant sans doute à côté du message pas assez approfondi. Une nouvelle fois, et c’est récurrent dans les romans contemporains, la concision du roman et sa construction ne permettent pas à l’auteur de traiter pleinement le propos et ne m’ont pas donné assez de temps et de détails pour apprécier cette quête de vérité pourtant pleine de promesses. L’étendue de l’histoire aurait mérité un contenu plus creusé. Le point positif de cette lecture est que j’aurais au moins appris des éléments de l’Histoire russe qui m’étaient complètement inconnus. Ce n’est peut-être pas le bon choix pour une première approche de l’œuvre de Metin Arditi, cet auteur reconnu.

Killing79 - Chamalieres - 45 ans - 22 février 2015


Perplexe ! 3 étoiles

Tout d'abord bravo à la critique très fouillée d'Alma. Je regrette ne l'avoir lue qu'après ma lecture, cela aurait peut-être modifié ma perception de ce livre.
La première partie se déroule en 1937 durant ces moments atroces de l'histoire soviétique. (et la Russie en a connu pas mal)
L'écrivain a choisi un style dépouillé parfaitement à l'image de ce qu'il décrit.
En ce qui me concerne, à partir de la seconde partie, tout dérape. J'ai ressenti que ça manquait de conviction et j'ai peiné pour en arriver au bout.

Monocle - tournai - 64 ans - 11 septembre 2014


Ressusciter l’église orthodoxe . 8 étoiles

Le roman m’est apparu comme un exemple réussi de la matière romanesque qu’un auteur peut tirer d’un fait historique.

Un roman constitué de 4 parties concentrées dans le temps et elles-mêmes divisées en chapitres.
36 courts chapitres forment la première partie s’écoulant sur 5 mois, de juillet à novembre 1937, en forêt de Carélie et révèlent comment s’est progressivement formée la petite Jérusalem, cette confrérie appelée plus tard la Confrérie des moines volants , regroupant 12 moines errants ayant échappé à la mise à sac des couvents orthodoxes , avec pour chef Nikodine Kirilenko qui leur déclare « Nous allons préparer le résurrection de notre Eglise ».
16 chapitres forment la 2e partie, s’écoulant 43 ans plus tard, à Paris en mai 2000, lorsque le photographe Mathias Marceau découvre ses racines russes à l’occasion de la mort de son père.
31 chapitres en partie 3, plus tard en octobre, lorsque Mathias part à Saint Petersbourg à la recherche des objets liturgiques enfouis.
Enfin 3 chapitres en dernière partie racontent l'inauguration solennelle des Salons Nikodine Kirilenko sous les ors du musée de L’Ermitage.

Chaque partie a pour pivot un personnage.
D’abord, il s’agit de l’énigmatique Nikodine, imposant l’austérité à ses compagnons, hanté par le péché de chair « englué dans un mélange de désir et de honte » et qui n’a cesse de se mortifier pour expier une faute que le lecteur découvrira plus tard. « Il mangeait à peine, dormait peu et passait ses jours et ses nuits à dire les offices, à se prosterner, à demander pardon de ses péchés immenses et à prier surtout, dans l’amour du Christ et dans l’espérance qu’Il se montre miséricordieux avec le scélérat qu’il était » Il s’agit dans la partie suivante, plutôt que Mathias, de son père qui vient de mourir et dont Mathias découvre la vie cachée, entièrement tournée vers la Russie et la peinture d’icônes.
En dernier lieu , c’est Leonid Ashrakoff dont les souvenirs et les confidences vont permettre de faire le lien entre passé et présent .

Un récit équilibré, balançant entre l’Est et l’Ouest avec 2 passeurs successifs, la courageuse et touchante Irina puis Mathias, poussé par un devoir de mémoire envers sa famille et qui, après avoir « passé 40 ans à se croire Français » finit par découvrir en lui sa part de sang russe, et par être désigné sous le nom de Matfiya Andréïevitch. La quête de ses racines russes se fond dans l’enquête historique, l’action avance avec régularité, distillant à mesure sa dose d’inquiétude et de suspense et parfois aussi d’intense émotion.

Metin Arditi intègre également dans son récit, -mais était-ce utile ?- deux parenthèses amoureuses parallèles, centrées l’une, sur Mathias à Saint Petersbourg et l’autre, sur Dol, son épouse restée à Paris.

Un roman enrichissant qui s’ouvre sur la période de l’extermination de la religion orthodoxe, de ses églises, de ses moines et de ses trésors d’art sacré , mais aussi de la farouche volonté de résistance de ces « moines volants » , et qui se transporte ensuite à l’époque actuelle . Arditi n’y cache rien de ses intrigues, du poids de sa bureaucratie, de l’importance des médias mais témoigne aussi des efforts officiels pour restituer aux objets d’art religieux leur dimension patrimoniale.

Nul doute que je jetterai désormais un regard différent sur le contenu religieux et la valeur humaine des icônes.

Alma - - - ans - 12 mai 2014