La fleur au fusil
de Yves Pinguilly

critiqué par JulesRomans, le 3 mai 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
La fleur au fusil et le fusil dans les fleurs
"La fleur au fusil" commence par bien situer le début de l’action dans les Côtes-du-Nord (ce département breton est devenu les Côtes-d’Armor) et nous parle de la lecture dans un quotidien local de l’assassinat à Sarajevo de l’archiduc François-Ferdinand. Adrien Le Cornic, appelé sous les drapeaux depuis quelques mois, a eu une permission pour venir faire les moissons dans son village.

Il en profite pour voir passer le Tour de France :

« Plusieurs qui venaient de loin allaient comme eux jusqu’à Guingamp pour voir les coureurs. Le Tour de France allait passer. Départ Cherbourg, arrivée Brest même, c’était pas une étape pour des feignants. Quatre cent cinquante kilomètres à avaler ni plus ni moins ». (page 15)

Il est le premier mort de son village, tué à la mi-août alors que leur canon est atteint par un obus allemand dans une plaine dont l’emplacement n’est pas précisé. On notera que le casque pouvait d’autant moins le protéger que les artilleurs n’en avaient pas en 1914 ; ils portaient un képi.

« Il y eut une explosion. Est-ce-qu’il l’entendit ? Et est-ce qu’il entendit toutes les abeilles d’acier, bourdonnantes, s’échapper du shrapnel ? Personne jamais ne pourra le dire. Il fut touché à la tête, casque transpercé, et à la poitrine et au ventre. Il tomba là, près de Bricolo. Mort ». (page 53)

La rentrée des classe ne se fit pas non plus le 1er octobre car c’était un jeudi et à l’époque le jour de congé du milieu de la semaine était ce jour-là. En 1914, à la veille de la rentrée scolaire, le ministre de l’instruction publique et des Beaux-Arts précise aux recteurs ce qui doit être dit:

« Je désire que le jour de la rentrée dans chaque classe, la première parole du maître aux élèves hausse le cœur vers la patrie, et que sa première leçon honore la lutte sacrée où nos armées sont engagées ».

Aussi n’est-il pas surprenant de voir l’institutrice du village mettre l’accent sur le décès d’Adrien Le Cornic le jour de la rentrée des classes. (page 60)

Un épilogue nous fait faire un saut d’octobre 1914 au 11 novembre 1923 où a lieu la première cérémonie autour du monument aux morts du village qui vient d’être fini. Un enfant récite ce jour-là le poème de Victor Hugo qui commence ainsi :

« Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie
Ont droit qu’à leur cercueil le foule vienne et prie,
Entre les plus beaux noms leur nom est le plus beau ».

Le discours du soldat mutilé ancien combattant sonne juste, en cette année-là, dans son souhait répété que ce fut bien la der des ders.

En résumé, voilà un très bon roman historique qui fait bien passer l’atmosphère dans laquelle les Français sont entrés, dans le conflit, pour la majorité d’entre eux et le pacifisme porté par les anciens combattants durant les années 1920 et 1930. Les deux petites remarques impertinentes que nous avons faites ne gâcheront pas le plaisir des jeunes lecteurs, ni devraient être cause de réponses fausses dans une interrogation sur la Grande Guerre à l’école.