La censure militaire et policière 1914-1918
de Maurice Rajsfus

critiqué par JulesRomans, le 31 mai 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Messieurs les censeurs, bonsoir
Maurice Rajsfus nous apprend une foule de choses sur la censure qui sévit pendant la Première Guerre mondiale et par là aussi sur des faits méconnus qui ont attiré l’attention des censeurs. Ainsi pourrait-on devoir dans notre esprit revoir à la hausse le nombre de femmes exécutées pour espionnage en France, en sachant que cette information était systématiquement cachée dans la presse française. Toutefois certains censeurs laissèrent passer que Maria Liebendall (ou Liberdall) épouse de l’Espagnol Gomeno Sanchez fut condamnée à mort en octobre 1916 (et peut-être exécutée) à Marseille. En effet on craignait que la mort de femmes dans l’hexagone puisse faire passer les Français pour des criminels dans la presse des empires centraux et des pays neutres.

On voit par cet exemple que la censure a un double objectif : le premier intérieur pour le moral des Français, le second extérieur pour éviter que l’ennemi non seulement n’apprenne des informations qui pourraient être utilisées du point de vue militaire ou pour se faire une idée des difficultés économiques et sociales dans le pays mais également afin de ne pas prêter flan à la propagande de l’adversaire.

On rappelle que Clemenceau qui avait changé le titre de son journal de L’homme libre en L’homme enchaîné ne fit pas diminuer le rôle de la censure mais chargea son chef de cabinet Georges Mandel de recevoir un journaliste des titres principaux de la presse parisienne chaque soir, afin de leur indiquer ce qu’il fallait ou ne fallait pas divulguer. Un chapitre donne des exemples de lettres censurées écrites ou destinées à des militants pacifistes, c’est l’occasion de croiser un certain nombre de figures féminines comme Jeanne Halbwachs professeure de philosophie, Hélène Brion institutrice à Pantin (pour un courrier qu’elle adresse à Albert Bourderon un zimmerwaldien et pour une lettre reçue de la part de l’instituteur marseillais de la rédaction de "L’École émancipée", la mère de Romain Rolland, Augustine Variot du Comité d’action féminine pour la paix contre le chauvinisme, épouse d’un typographe et habitant à Malakoff.

Les lecteurs de notre critique de la BD "Finele" d’Anne Teuf sur la présence des troupes françaises dans une petite partie de l’Alsace libérée découvriront avec intérêt une lettre, adressée au zimmerwaldien Léon Hubert, de Robert Hanouel soldat au 43e RC stationné à Seppois dans le Haut-Rhin libéré qui s’indigne du pillage par les troupes françaises des maisons de ce village alsacien.

De nombreuses informations sont à cueillir comme le fait que Le feu de Barbusse a été très rapidement traduit en allemand dans un but de propagande actionnée par l’Empire allemand. Des chansons censurées sont citées et l’une d’entre elle fait allusion au fait que Victor Becker le maire de Soissons préféra quitter sa ville occupée par les Allemands, ce qui fit que Jeanne Macherez, en remplissant le rôle d’interlocuteur des Allemands, gagna le surnom de "mairesse de Soissons".

Les annexes donnent une chronologie de la Première Guerre mondiale et indiquent par ailleurs ceux qui furent durant cette période pour la France : président du Conseil, ministre de la Guerre, ministre de l’Intérieur et général en chef.