Les courriers de la mort
de Pierre Magnan

critiqué par Shelton, le 19 avril 2014
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Pierre Magnan et le commissaire Laviolette...
Et voici l’occasion de saluer respectueusement la mémoire de Pierre Magnan. un auteur qui nous a quittés, que beaucoup ignorent et qui pourtant écrivait si bien que je souhaiterais ne pas l'oublier...

Je sais bien qu’il n’est pas connu de tous, mais personnellement, sans l’assimiler à un des plus grands auteurs nobélisables, ce qu’il ne pensait pas être d’ailleurs, je le considère comme un bon auteur, c’est à dire celui qui savait me faire passer un bon moment avec ses histoires, avec ses personnages, dans son univers, dans son imaginaire…

Ses romans sont essentiellement des polars, pire, des polars incarnés dans la province, une région très éloignée de Paris, les Alpes du Sud, pardon, de Haute Provence… Polars ? Oui, car c’est bien dans cette catégorie qu’il nous faut ranger sagement les enquêtes du commissaire Laviolette, même si…

Pour ceux qui ne connaitraient pas encore, Laviolette est un commissaire en fin de carrière, puis carrément à la retraite. Il entretient de bonnes relations, quoique teintées d’ambiguïté, avec le juge local, Chabrand. Laviolette n’est jamais traversé par des fulgurantes intuitions ! Ce n’est ni un enquêteur extraordinaire, ni un scientifique tombé dans la police par défaut. Laviolette est seulement un homme, pétri d’humanité, qui observe ses congénères avec attention et tente de comprendre ce que chacun pense, ce qui le motive, ce qui lui fait peur, de quoi il est issu culturellement et familialement… jusqu’au moment où il comprend les mécanismes d’un crime, d’une affaire, si complexe soit-elle. Il est tout particulièrement attentif aux secrets des familles et c’est certainement là une des marques de fabrique des romans de Pierre Magnan…

Cela me donne l’occasion de parler de la mémoire, de la terre, du terroir. Pierre Magnan aime ces Alpes du Sud, avec leurs villes, leurs villages, leurs odeurs. Ses personnages sont des êtres humains fascinés, attachés, enchainés, prisonniers de leur région, de ses traditions, des us et coutumes, de son vent, de sa géographie… Ils sont souvent enfermés dans leurs histoires de familles, mais, à la limite, ils en sont presque plus victimes que responsables… ici, il y a un tel vent qu’on peut les comprendre !

Laviolette n’échappe pas, lui aussi, à cette influence de la région, de sa région. Il est habité en permanence par le doute, l’hésitation, la tendresse pour les autres, y compris pour les coupables, par son histoire même si nous n’en connaissons que quelques bribes par une confidence ici ou là… Les romans de Pierre Magnan, du moins la série des enquêtes du commissaire Laviolette, ne sont donc pas des romans d’action mais plutôt des œuvres contemplatives ce qui n’est pas courant dans le polar.

Maintenant, s’il fallait prendre le temps de lire une de ces enquêtes de Laviolette, je vous suggèrerais de prendre Les courriers de la mort. Une boite aux lettres voisine d’un cimetière mais abandonnée depuis longtemps ; un fou qui creuse avec acharnement sa propre tombe ; des lettres que l’on dépose pour annoncer des crimes ; et un secret de famille séculaire. Nous sommes dans la région de Digne et très rapidement vous êtes plongés dans un grand roman en finissant par oublier que ce polar a été mis en téléfilm avec Victor Lanoux dans le rôle du commissaire Laviolette…