Sam
de François Blais

critiqué par Libris québécis, le 8 avril 2014
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Le Rock'n roll des grands flancs mous
Comme dans Gros Mots de Réjean Ducharme, on cherche l’auteur d’un manuscrit retrouvé. Tout ce qui touche à l’écriture semble intéresser François Blais. Pour imiter les chroniqueurs du journal Le Devoir, mentionnons qu’il a 40 ans. Né à Grand-Mère en Mauricie, il est aujourd’hui traducteur à Québec.

Ce mémérage (commérage) sied bien à l’auteur. Il a grandi avec l’avènement du gadget électronique. Ça se reflète dans ses romans. Dans ou sur Internet, se demande François Blais, il est à l’affût de tous les sites susceptibles de lui fournir des indices informatifs compatibles à l’échafaudage de ses trames. En plus des connaissances acquises grâce à l’autoroute informatique, il cultive l’anecdote. Lire un roman de François Blais, c’est parcourir un guide touristique ou une carte géographique locale qu’il sait travestir en matériel de fiction. Dans La Nuit des morts-vivants, la ville de Grand-Mère n’a plus de secrets pour le lecteur.

L’auteur aurait dû me consulter pour écrire Sam, son nouveau roman. Je lui aurais peut-être appris que Laure Conan, pseudonyme de Félicité Angers, fut déjà religieuse de la communauté des Sœurs du Précieux-Sang à Saint-Hyacinthe. Et en littérature, elle fut la première auteure féministe du Québec. Cette dernière intéresse particulièrement l’héroïne identifiée par la lettre S*** dans l’oeuvre. Elle habite à Saint-S*** un village de la Mauricie qui est sans nul doute Saint-Sévère, sis à deux longs pas de la ville natale de l’auteur.

Il articule tous ces éléments hétéroclites autour d’un portrait de femme, jumelle de ses personnages précédents, des flancs mous très à l’aise avec leur béessitude (soutien financier de l’État). Par contre, Sam est entièrement autonome. Elle possède une maison parmi les champs de blés d’Inde (maïs) et espère même partager l’air des mouches noires du village de Parent comme héritière de son père, propriétaire d’un chalet près du Mont Radar, en rappel de l’ancienne base de l’armée installée au pied de la colline. Anecdote cité pour respecter l’esprit de l’auteur.

L’héroïne ne craint pas la solitude. Elle mène une vie heureuse avec son chien C*** qui l’accompagne dans tous ses déplacements. Ce n’est pas une antisociale en rupture de ban. Elle mord dans la vie à pleines dents même si sa sexualité est aussi active que celle d’une nonne cloîtrée. Comme chez les personnages de Réjean Ducharme, ce besoin est évacué quoiqu’elle ait indiqué dans son manuscrit tous les sites pornographiques existants.

François Blais est passé maître de ce genre de portrait qui rappelle Le Rock ' n ' roll du grand flanc mou de Plume Latraverse, auteur, compositeur et interprète.
Y en a qui disent que chus vulgaire que j't'un brillant esprit pervers
Un paranoïaque insolent qui envoie chier l'monde à bout portant
Un asocial un malotrou un rock'n roll de grand flanc mou

Pourtant, il n’en est rien. On aimerait haïr les personnages de François Blais tellement ils semblent indolents. Mais Latraverse fait une mise en garde en chantant : « Je suis pas méchant. » Cet interprète, Ducharme et Blais mènent le même combat, qui est une dénonciation du comportement que tout et chacun essaie d’adopter. On veut se donner l’impression de vivre en tentant de mener une vie exaltante comme copie conforme d’un béhaviorisme convenu. La conduite des personnages est une volte-face contre toute attitude formatée en vue d’un plus être qui détourne en fait de la quête de soi. Sam répond à cette norme. Elle se contente de la simplicité, qui la déconnecte de ceux qui, sans en être conscients, déploient des efforts épuisants pour s’adapter à une vie chimérique.

La tenue du propos peut faire croire que François Blais écrit au fil de la plume. Oh, non ! L’oralité est savamment étudiée. Une oralité qui côtoie la norme. L’auteur a voulu faire comprendre qu’il sait manier la langue de Molière. Il aligne pour s’amuser les subjonctifs imparfaits. Son ludisme linguistique révèle qu’il est follement amoureux du français et des auteurs qui le véhiculent. En l’occurrence, il a invité les écrivains qui ont vécu le passage du 19e siècle au 20e siècle. Laure Conan, Louis Fréchette, Nérée Beauchemin… participent à ce trip (du verbe treper employé au 15e siècle). Non seulement, on s’intéresse à la littérature. Mais on s’exerce à l’écriture. On tient des journaux intimes, dont l’un d’eux occupe la majeure partie de l’espace narrative de Sam.

Comme pour le discours, on pourrait croire que François Blais écrit en suivant l’instinct du moment. Ah, que non ! La forme est même classique. C’est la même que celle de Gros Mots de Réjean Ducharme. L’élément déclencheur du prologue : la découverte d’un journal intime. Réaction : recherche de son auteur. Épilogue : découverte de l’auteur. Comme il fallait s’attendre à ce dénouement, le narcissique romancier grand-mérois (grand-méraud ou grand’mérien pour faire blaisien) a ménagé une chute qui sait déjouer l’attente du lecteur.

Mine de rien, cet auteur est en train de se donner une renommée qui, espère-t-il, lui méritera le Prix Ringuet (l’équivalent du prix de l’Académie française). C’est du moins ce qu’il exprime dans son roman. Bref, c’est tout simplement un bon roman de vacances, hilarant de surcroît, qui plaira surtout aux jeunes hommes pour sa désinvolture. Mais certains diront que ça ne vaut pas de la schounoute (sic) [merde].
Infect... 1 étoiles

Malheureusement, je fais partie des lecteurs qui estiment que ce livre "ne vaut pas de la schounoute". J'ai ouvert ce livre pleine d'espoir en me disant que peut-être enfin je tomberais sur un bon auteur québécois que je n'ai jamais lu. Pourtant, un soupçon d'inquiétude me taraudait. L'avenir est venu confirmer mes appréhensions.

Premièrement, un auteur qui débute son livre en se plaignant de ne jamais avoir encore reçu un seul prix littéraire, cela me le rend antipathique au départ. Ensuite, un auteur qui émaille son texte de gros mots bien gras, bien vulgaires pour faire québécois, cela me dégoûte. Un auteur qui ajoute cinq pages de liste de sites pornos que l'on peut trouver sur internet, je me dis qu'il n'a strictement rien à écrire et fait du remplissage.

Du niaisage, du verbiage, une histoire "plate à mort", une écriture passable cependant et quelques passages drôles.

Pauvre, pauvre François Blais ! Je vous décerne le prix du pire livre québécois de l'année et j'espère que vous saurez vous en contenter car pour ma part, je ne vous lirai plus car mon temps vaut mieux que votre prose infecte.

Dirlandaise - Québec - 69 ans - 12 avril 2014