Des cancres à l'Elysée : 5 présidents face à la crise écologique
de Marc Ambroise-Rendu

critiqué par Shelton, le 6 avril 2014
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Passionnant et instructif !
Le titre de l’ouvrage attire, c’est une certitude. Il ne s’agit pas de commentaires sur le dernier locataire des lieux car l’ouvrage a été publié en 2007. Il s’agissait donc de montrer que De Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterrand et Chirac avaient été des présidents en dessous de tout dans le domaine écologique. Rien de moins !

Alors, avant d’entrer dans l’ouvrage, de faire connaissance avec l’auteur et de suivre son raisonnement, avant de réaliser ce grand voyage historique, écologique, politique, scientifique et humain, je voudrais aborder un aspect strictement politique lié à cet ouvrage, au développement durable, à l’avenir de la planète…

Nous avons, chers amis, les hommes politiques que nous méritons. Ils ne sont pas tous mauvais, pourris, corrompus ou paresseux. Ils sont le reflet de la société, ils sont comme nous, parfois ils sont intègres, dans certaines situations il leur arrive de perdre de vue leurs valeurs – pour ceux qui en ont, mais en avons-nous tant que cela ? – et on ne peut pas leur reprocher de ne pas tout savoir. On voudrait qu’ils soient parfaits, qu’ils sachent tout, qu’ils anticipent tout, qu’ils règlent tout… Bref, le président idéal serait un communicant, un super héros, un doux et tendre, un altruiste, un réactif, un omniscient, un être parfait comme cela n’existe pas…

Un homme politique arrive à maturité à la cinquantaine – plus ou moins en fonction des caractères et des circonstances – et il faudrait qu’il soit à jour dans tous les domaines alors que sa formation initiale remonte seulement à une vingtaine d’années… Dans les domaines écologique, énergétique, alimentaire, scientifique… il est impossible d’avoir un savoir parfait, à jour et complet ! Impossible !

Et même quand il est bien entouré par de véritables spécialistes et experts reconnus – ils existent – il lui faut nous séduire lors d’une campagne. Il lui faut promettre, faire rêver, frôler la démagogie – tous ne se contentent pas de frôler – car, dans le cas contraire, il perd l’élection et ne peut pas tenir le poste dont il rêvait depuis si longtemps…

Il n’est donc pas étonnant de voir à l’Elysée des présidents qui n’osent pas, ne peuvent pas, ne savent pas… en particulier dans le domaine écologique. La crise écologique est assez récente, du moins si on parle de sa perception par la communauté scientifique. Or, il faut agir vite et bien pour construire le monde de demain et léguer à nos enfants une planète qui pourra encore les nourrir et les faire vivre…

Ce qui est passionnant dans cet ouvrage, c’est de voir ces présidents réfléchir, appréhender les questions écologiques, agir et titrer les conséquences de leurs actes. Ils le font chacun en fonction de ce qu’ils sont, mais, avouons que le constat est angoissant…

De Gaulle pensait faire plaisir à quelques associations de passionnés de la nature en créant des parcs naturels. Ne vous plaignez pas, je ne mettrai pas d’usines et autres industries dans ces montagnes. Elles seront protégées. Ce n’était pas beaucoup, mais il fallait, néanmoins, le faire. Ce n’était pas dans l’air du temps. Il fallait oser. En fait, l’auteur nous montre que De Gaulle aimait la nature mais il croyait que ses ressources étaient inépuisables, qu’il y aurait toujours assez de tout… Eternellement !

Pompidou est, peut-être, celui qui a compris très vite l’importance de la protection de la planète. En février 1970, à Chicago, dans le cadre de l’Alliance Française, il prononce un discours capital qui mérite d’être relu une quarantaine d’années plus tard. Il raconte comment les images retransmises par la NASA lui ont fait prendre conscience de la fragilité de la terre :

« Parmi les images que la télévision a répandues à cette occasion, aucune ne m’a frappé autant que celle de la Terre, aperçue pour la première fois du sein de l’espace interplanétaire. Enrobée de vapeurs, parée des couleurs impressionnistes, la Terre nous est apparue comme un îlot perdu au milieu de l’immensité, mais dont nous savons qu’il est doté de ce privilège fragile et peut-être unique qu’est la vie. Quelle vision mieux que celle-là, étrange et pourtant familière, pourrait nous donner conscience de la précarité de notre univers terrestre et des devoirs de solidarité qu’implique la sauvegarde de la maison des hommes ».

Pompidou et Chaban Delmas osent parler d’environnement, ils perçoivent l’urgence des mesures à prendre, envisagent la question des déchets comme majeurs… Mais Pompidou va être malade et mourra. La crise pétrolière va arriver et fondre sur la société française en perturbant les ordres de priorité… et ce sera le début du nucléaire français que certains perçoivent comme une avancée extraordinaire pour assurer l’indépendance énergétique du pays… quant aux déchets de cette énergie, on verra plus tard !

Giscard a eu de grosses difficultés pour se faire comprendre des associations de protection de l’environnement et sa passion de la chasse, en Afrique en particulier, n’y fut point étrangère… D’une façon générale, c’est difficile de se faire une idée précise de son septennat. L’auteur nous parle des fausses bonnes intentions, mais je dirais aussi légèreté, incompétences, négligences…

François Mitterrand estimait qu’il y avait d’autres sujets plus importants. Donc, il laissa certains œuvrer de façon certaine mais sans trop de moyens et dans l’indifférence. L’écologie ne fut pas le point essentiel de son travail, de ses intentions, de son œuvre… Certes, il a une forme de romantisme qui lui donne un attachement sentimental à la nature ; les pollutions et autres méfaits que l’on inflige à la nature, de façon accidentelle – marée noire – ou récurrente – industrielle ou automobile – ne semblent pas le concerner ; enfin, il fut un constructeur urbain, parisien principalement. C’est seulement à la fin de son deuxième mandat qu’il semble prendre conscience des grands enjeux environnementaux…

Et Chirac, me direz-vous, le dernier de cette liste, est-il le dernier de la classe, le cancre écologique ? Ce président est un mystère, un paradoxe, un être insondable – trop profond ou vide, allez savoir. Ce qui est certain, c’est qu’il fut le président de beaux discours, du verbe écologique, politique, culturel, humaniste… mais les mots ne suffisent pas pour résoudre les grands défis environnementaux, la crise climatique, les problèmes de ressources planétaires… et on est presque toujours au même point qu’aux débuts de la cinquième république, comme si ces présidents n’avaient servi à rien… Je vous rappelle, on a les présidents que l’on mérite…

Ce livre n’est pas que pessimiste car il montre comment les idées se sont mises en place chez les politiques, comment chacun a résolu des petits aspects de la question, comment tout est prêt pour qu’en 2017 on puisse élire un homme ou une femme qui saura porter la question écologique dans sa globalité, avec sérieux et efficacité… mais, là, je rêve un peu, ça fait du bien…