Requiem pour l'Est
de Andreï Makine

critiqué par Bafie, le 23 mai 2014
( - 63 ans)


La note:  étoiles
Lyrisme et âmes brûlantes

Le narrateur, médecin militaire engagé par les services secrets, retrace son histoire, il évoque la mémoire de son père, de son grand-père : les oppressions des années 20, les purges, la seconde guerre…
Une histoire tragique tissée de larmes et de sang et, en même temps de tant d’humanité, la profonde humanité de son père et son grand-père vont aider le narrateur à se pacifier et à accepter son destin …

En toile de fond une Russie bouleversée, éventrée par de nombreux conflits. C’est le calvaire d’un peuple, l’enfer qu’y vivent les hommes et autour des 4 femmes du récit une incroyable poésie, une tendresse qui suscite ce requiem, ce chant compassionnel pour ceux dont l’existence a été long tissu de souffrances.

L’écriture est lyrique, précise, riche…et Andreï Makine fait surgir une profonde lumière au cœur du plus noir de l’humain : la violence des guerres…Délivre-nous du mal, l’écriture de Makine est œuvre de rédemption.
La Russie du XXème siècle à travers trois générations 8 étoiles

"Requiem pour l'Est" est un roman qui recouvre une période importante de l'histoire de la Russie puisque l'on suit trois générations d'une même famille ( grand-père, père, fils ) sur plusieurs décennies. A travers ce roman, c'est la Russie du XXème siècle que l'on redécouvre. Andreï Makine immerge son lecteur dans une période que l'on connaît bien sans pour autant maîtriser le sujet. Les scènes décrites sont très visuelles et donnent vraiment l'impression d'assister en direct à ces scènes de combat. La seconde guerre mondiale, les camps, la violence nazie nourrissent ce texte fort et prenant. Certaines images restent gravées dans notre esprit comme cette femme enceinte enterrée vivante, mais sauvée, ce survol d'un paysage où la bombe atomique est testée ... On pensait avoir tout lu sur le sujet et pourtant Makine choisit un angle qui saura intriguer le lecteur.

L'écriture est de qualité. Parfois sobre, parfois lyrique, son style est au service des scènes narrées. L'auteur pose un regard nuancé sur ce monde contemporain qui oppose souvent Occident et Orient. Il nuance certains propos et une certaine nostalgie se fait sentir quand il parle de la Russie. Cela ne veut pas dire qu'il encense les dictateurs ! On ressent clairement que notre regard européen a tendance à caricaturer en défendant les gentils Américains et en condamnant les méchants Russes. Cette conception un peu naïve tend à effacer certains points et ce requiem permet de ressusciter le temps de la lecture certains épisodes et certaines figures que l'on aurait tendance à oublier.

Les parties concernant le grand-père et le fils sont très efficaces et captivantes, celle sur le père m'a moins absorbé. Ces confidences sont adressées à un "tu", un "tu" féminin dont le narrateur veut retrouver la trace. Les femmes occupent une place importante dans ce roman. Il y a des figures vraiment marquantes.
Ce roman est aussi engagé. Les idées de l'écrivain transparaissent dans ce texte dans lequel cette course à l'armement est condamnée et alimentée par des pays qui souhaitent œuvrer pour la paix. Il y a aussi certains intellectuels qui adoptent des postures et brassent de l'air comme cet homme au pantalon noir et à la chemise blanche accompagnée de son épouse blonde, femme-enfant. Je dois dire qu'une célèbre figure s'est tout de suite imposée !

Ce "Requiem pour l'Est" est une façon de se souvenir de la Russie et de ses acteurs avant qu'ils ne sombrent dans l'oubli. Andreï Makine leur redonne une couleur.

Pucksimberg - Toulon - 45 ans - 28 janvier 2018