La Bohême
de François Moreau

critiqué par Libris québécis, le 2 avril 2014
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
C'est la rose l'important
François Moreau a fait un roman de la chanson de Charles Aznavour. Le héros, un Montréalais de 17 ans, s’embarque comme matelot sur un bateau brinquebalant sans connaître sa destination. Essuyant tempête et avarie, il aboutit en Angleterre, où il remarque sur le quai une femme, dont l’image le poursuit tout au long de son périple en Europe.

Qu’est-il venu y chercher ? Autographique, La Bohème s’inscrit dans la foulée qui a poussé vers l’étranger de nombreux jeunes intellectuels, fatigués d’un Québec collé à un passé sans envergure. C’est sans contraintes qu’ils voulurent parfaire leur apprentissage. Quant à lui, le François du roman gagne la France pour s’y établir. Les petits boulots qu’il décroche sont insuffisants pour répondre à ses besoins, même les plus essentiels. Peu importe. Même s’il ne mange qu’un jour sur deux, il est heureux de sa vie de bohème, qui, l’espère-t-il, le conduira à la gloire grâce à sa plume. Cette quête d’avenir se double d’une vie affective, qui ne dure qu’une nuit d’alcôve. François est trop narcissique pour aimer autrui. Mais l’Anglaise, croisée à son arrivée en Europe, lui apprend à ses dépens que la vie n’est pas une enfilade de conquêtes. La bohème, « ça ne veut plus rien dire du tout » sinon la vacuité d’une existence en rupture de ban.

Ce portrait, juste mais convenu, manque de causticité pour accrocher le lecteur. Le héros n’est pas sans rappeler tous les jeunes, dont plusieurs auteurs ont tracé le cheminement vers leur pays intérieur. François Moreau en a fait un être si suffisant qu’il perd tout le capital de sympathie créé par sa bravoure en traversant l’Atlantique sur un rafiot agonisant, piloté de surcroît par un alcoolique. Il aurait fallu qu’il sache pour éviter d’avoir « le cœur en carême », que « c’est la rose, l’important » « la fleur qui danse sur le temps », celle qui transcende les désirs du moment.