La guerre au XXème siècle
de Stéphane Audoin-Rouzeau, Raphaëlle Branche, Anne Duménil, Pierre Grosser

critiqué par JulesRomans, le 7 août 2014
(Nantes - 65 ans)


La note:  étoiles
Des guerres, des guerres oui mais définies
Dans l’introduction Isabelle Flahault et Nathalie Petitjean rappellent que le XXe siècle fut celui de la guerre totale entre états. Le XXIe siècle semble lui se caractériser par des conflits interétatiques et le terrorisme.

Ce livre est composé de deux parties, présentant après leur introduction elles-mêmes deux communications. Le premier de ces quatre textes est "L’expérience combattante" de Stéphane Audoin-Rouzeau et l’auteur se pose entre autre la question dont l’évolution de l’armement impose au combattant de nouvelles façons de placer son corps.

« À partir du XXe siècle donc, le soldat occidental au combat doit s’accroupir pour se déplacer dans toute zone exposée et se coucher dès qu’il est sous le feu. Lorsqu’il en a la possibilité, il s’enfonce (dans le sol) grâce à un trou individuel, une tranchée ou mieux, un abri collectif creusé en profondeur ». (page 23)

Stéphane Audoin-Rouzeau poursuit en faisant remarquer que pour percer les lignes de l’ennemi l’usage des chars et de l’aviation a remplacé la charge de cavalerie. Il aborde ensuite les questions de la blessure, de la mort, de la solitude (on se disperse face au feu ennemi et on peut mourir sans la présence à ses côtés d’un humain), de la durée, des taux extrêmement élevés de morts parmi les prisonniers et de l’exceptionnelle durée de l’emprisonnement dans des camps, du poids de la guerre sur les civils (massacrés ou violentés), la psyché…

Dans le texte suivant Anne Duménil réfléchit sur l’expérience de la guerre qu’ont les civils, avec en particulier les déportations de population (Japonais déplacés puis internés aux USA, populations diverses de l’URSS déportées vers le Kazakhstan ou la Sibérie). Elle note l’importance de la population civile qui en temps de guerre travaille dans les industries d’armement. L’ennemi institue le travail forcé par ailleurs massacres, bombardements et malnutrition touchent par exemple la Grèce jusqu’à ce qu’elle perde 6,8% de sa population entre 1940 et 1945.

Deux études particulières occupent la seconde partie, l’une sur la Guerre froide (par Pierre Grosser) l’autre sur la Guerre d’Algérie (par Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault). Pierre Grosser s’interroge sur quels conflits ont été en lien avec la Guerre froide et pointe le fait que les USA ont joué la carte islamique dans de nombreux pays en réprimant les forces de gauche par peur du communisme. Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault montrent l’importance des mots dans l’affaire algérienne. On parle d’événements, d’opération de maintien de l’ordre et pas de guerre, les mêmes individus sont pour les uns des martyrs, des maquisards et des résistants alors que les autres les nomment terroristes. Ce conflit remet en cause la typologie des conflits et annonce certaines caractéristiques propres aux combats du XXIe siècle.

L’illustration n'est faite quasiment que de reprises de photographies d’époque (plus quelques cartes), elle atteint la trentaine de documents. Parmi ceux-ci on notera page 59 des travailleurs chinois côtoyant des femmes dans une usine d’armement début 1918, un bivouac serbe en Albanie en 1912 page 21 (qui rappelle que ce pays est né de la volonté d’autres d’empêcher la Serbie d’avoir un accès à la mer), Nixon à Pékin en 1972 et mechta d’un harki en 1961.
Pour sensibiliser les adolescents à la question des chocs psychologiques des anciens combattants qui ont des effets à long terme, on conseillera l’excellente fiction "La blessure invisible de mon père" dont nous avons fait la présentation ici.