Histoire de l'esclavage
de Jean Etévenaux

critiqué par JulesRomans, le 12 avril 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Les Anziques gloutons, bien avant les enzymes gloutons
L’"Histoire de l’esclavage" de l’universitaire Jean Ètévenaux se veut un ouvrage de synthèse vulgarisateur à un très bon niveau de connaissances, sur la question de l’esclavage quels que soient l’époque et le lieu. Pour le lecteur occidental il n’est pas inutile d’en apprendre plus sur les conditions dans lesquelles se font les acquisitions de noirs tant du côté européen que du côté arabe.

Dans l’ensemble musulman, la nécessité pour certains empires (comme les Ottomans ou les Ayyoubides de Saladin) de s’appuyer sur de fidèles serviteurs fait que les plus hautes responsabilités étatiques (civiles et militaires) sont dans les mains d’esclaves. Ceux-ci peuvent même après quelques générations s’affranchir tant de leur esclavage que de l’autorité politique des descendants des maîtres de l’empire d’origine. L’histoire connaît bien la place que prirent en Égypte les mamelouks pour près de 1 000 ans, dès le temps des Abbassides jusqu’à leur massacre en 1811 par Méhémet-Ali à l’issue d’un festin au Caire (le peintre Horace Vernet a traité du sujet dans un tableau assez connu).

S’il ne s’agit pas de nier les profits que firent certains Européens en faisant travailler les noirs en Afrique, il serait bon que certains partisans d’un génocide noir méditent, afin de ne pas entretenir un ressentiment dans une unique direction, sur en particulier un passage de la page 67 :

« Comme dans beaucoup d’autres lieux, les esclaves africains apparaissent comme une conséquence des conflits marquant les relations entre groupes : à leur issue, les vainqueurs disposent d’une masse de captifs. Ils conservent les femmes et, en revanche massacrent les autres ; dans cette perspective, les esclaves sont les chanceux qui ont pu survivre. Ensuite, le système tend à se reproduire – avec une situation à l’amérindienne -, puisque les vaincus deviennent tributaires et doivent régulièrement fournir un certain nombre d’esclaves qu’ils vont chercher sur les marges frontalières. (…) Dès le VIIe siècle, il y a des razzias, qui permettent d’alimenter les marchés et d’échanger les esclaves contre le cuivre, le sel et les textiles » ?

Bien entendu le terme "chanceux", ne peut à notre avis, être attribué à ceux qui vont faire le voyage transatlantique dans les conditions habituelles des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle et on connaît entre autres de nombreuses tentatives de suicide de ces transportés. Même si le commerce triangulaire constitue un appel d’air et entraîne un développement de la capture d’esclaves, cette pratique est bien antérieure à la Renaissance et ce sont bien certaines tribus africaines qui fournissent aux Européens leurs congénères.

On attendrait toutefois de la part d’un historien professionnel qu’il nous aide à trier la part de la propagande et de la réalité autour du cannibalisme. Le titre de sa partie de chapitre intitulé "boucherie humaine" se contente de citer des phrases d'un voyageur, de surcroît commerçant puis gentilhomme au service d’un roi africain d’une partie des rives du Congo Àlvaro (ou Àlvare Ier), allié des Portugais, sans les commenter :

« (au sujet du peuple des Anziques) Leurs boucheries sont fournies en chair humaine, comme les nôtres le sont de viande de bœuf ou d’autres animaux. En effet, ils mangent les ennemis qu’ils réussissent à capturer au cours d’une guerre. Quand à leurs esclaves, ils les vendent s’ils peuvent en obtenir un prix élevé ; sinon ils les livrent à des bouchers qui les dépècent et les vendent comme viande à rôtir ou à bouillir. (…) certains (hommes libres) se livrent eux-mêmes à la boucherie (…). Sans doute y a-t-il beaucoup de peuples qui se nourrissent de chair humaine – ainsi ceux des Indes orientales, du Brésil et d’ailleurs- mais du moins ce sont leurs adversaires, leurs ennemis qu’ils mangent, alors que les Anziques mangent aussi bien leurs amis, leurs vassaux, leurs parents, ce qui est une pratique dont on n’a pas d’autre exemple ».

Au sujet du réel ou prétendu cannibalisme, avancé là pour susciter des dons des chrétiens, on a le même problème d’incertitude à la lecture de "Monseigneur Augouard un Poitevin roi du Congo" de Mathieu Maurice avec une action à la Belle Époque.

L’ouvrage se compose de huit chapitres qui permettent de parcourir l’Antiquité à nos jours car les questions contemporaines du proxénétisme et de l’exploitation des immigrants clandestins sont posées, mais aussi quasiment tous les continents. Près de quarante pages alimentent le chapitre "Le mouvement abolitionniste en Occident aux XVIIIe et XIXe siècles" où est cité, avec ses quatre article, le texte de Napoléon Bonaparte qui en tant que Premier consul, rétablit l'esclavage en 1802. On y trouve également la description de la reconquête sanglante d'Haïti, en citant nombre de témoins. Rappelons que sur le personnage de Toussaint Louverture, nous avons présenté sur Criqueslibres un roman historique pour les adolescents et un livre d'historien pour un lectorat d'adultes.

Les conclusions en trois lignes de force reprennent pour l’essentiel les idées développées par l’historien Olivier Pétré-Grenouilleau (en particulier dans "Les Traites négrières. Essai d'histoire globale") qui refuse d’assimiler la traite négrière à un génocide.