Huit saisons et des poussières
de Séverine Vidal, Anne Montel (Dessin)

critiqué par JulesRomans, le 22 mars 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Du temps perdu pour tout le monde
"Huit saisons et des poussières" est un livre qui aborde avec tact et justesse les relations familiales telles qu’elles auraient pu être au retour d’un déporté.

Approcher dans un album pour des jeunes de 7/10 ans la Première Guerre mondiale n’est déjà pas facile et l’éditeur de cet ouvrage s’est remarquablement clashé avec "Tache d'encre". Si ce dernier titre pouvait figurer dans les plus mauvais livres pour enfants sur le sujet avec conjointement "L’Horizon bleu" et "La guerre de 14 murmurée aux enfants", par contre "Huit saisons et des poussières" doit figurer dans toutes les bibliographies d'ouvrages pour la jeunesse autour de la Shoah.

Le choix des prénoms des parents Sarah et Simon, l’évocation d’une autre famille celle d’Isaac font penser à une origine juive pour les personnages principaux. Un début d’explication sur le fait que le père ait été le seul déporté tient dans l’énoncé qu’il a été pris dans une rafle en ville où il s’était rendu pour une livraison. Le reste de la famille semble avoir passé une Occupation relativement paisible dans un village où ils n’ont jamais été inquiétés.

Amos ressent très mal les attitudes de Simon son père et vit mal certaines remarques qui sont faites devant lui à l'école sur le nouvel aspect de son géniteur surtout qu’en plus sa sœur dit le percevoir comme un fantôme ou un squelette.

« - Il a fait un très long voyage, tu comprends, c’est la mère qui lui a dit. Il lui est arrivé un grand malheur, à cause des Allemands. Beaucoup d’autres ne sont pas rentrés, c’est un miracle s’il est là, avec nous, vivant.

- Vivant, tu parles, a répondu Sarah. On dirait un fantôme. Le fantôme de Papa, voilà qui on a récupéré. Merci pour le miracle, merci bien. »

Grâce à un sommet d'un arbre où ils vont s’isoler uniquement tous les deux, le père et son fils vont faire un grand chemin l’un vers l’autre.

Les traits renvoient à un dessin d’un jeune d’une dizaine d’années doué pour le dessin, le décor va à l’essentiel et les couleurs se marient bien ensemble. Le père ne raconte rien de sa période dans le camp de concentration, mais il est prêt à le faire pour son bien et celui de son fils à la fin de l’ouvrage. Cette fiction est le titre idéal pour expliquer ultérieurement avec retenue, avec un ouvrage documentaire ou pas, certaines réalités des camps de concentration. On pourra, pour les 10-12 ans, faire prolonger cette lecture par celle de "L’Envolée sauvage". Contrairement à l'album "Le bébé tombé du train ou quand l'amour d'une mère est plus fort que tout" où le jeune lecteur peut très bien ne rien comprendre aux motivations de la mère et aux raisons de son retour, "Huit saisons et des poussières" amènera obligatoirement le jeune lecteur à s'interroger et à vouloir comprendre le pourquoi de certaines actions.