Souviens-toi de moi
de Martine Laffon

critiqué par JulesRomans, le 6 mai 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Et les petits Français apprirent à jouer à pierre, ciseaux, papier
Le roman historique "Souviens-toi de moi" permet d’évoquer la présence de 100 000 et 40 000 travailleurs chinois respectivement pour les armées anglaises et françaises. Si le recrutement fut plus faible, c’est que les autorités françaises de la concession de Tianjin (dans le nord de la Chine) décidèrent d’annexer le quartier de Laoxidai de cette ville, en dehors de tous les droits de souveraineté contenus dans les traités. Les nationalistes chinois demandent alors à la population de boycotter divers produits français et à ne pas s’engager auprès des entreprises de recrutement sous tutelle française pour aller travailler outre-mer afin de soutenir l’effort de guerre français.

Les deux pages documentaires du livre "Souviens-toi de moi" n’expliquent pas cette différence dans les deux chiffres qu’elles donnent. Par contre l’auteure explique bien l’emploi civil dans la zone des armées (à quelques kilomètres du front) qui est fait des Chinois recrutés. La situation de la Chine est neutre jusqu’au 14 août 1917, mais le recrutement a commencé en 1916 dans les concessions françaises et anglaises situées en Chine. Avant d'arriver aux pages documentaires, le récit a bien posé les divers rôles qu'on entend faire tenir à ces hommes:

"Ne tirez pas ! intervient-il. Ce sont des travailleurs chinois recrutés pour l'effort de guerre. Ils vont déblayer les routes pour nos soldats !"

Afin de susciter l’intérêt des jeunes lecteurs, on a choisi comme héros Li Jian un jeune lettré chinois du Shandong qui est un habile peintre de tableaux représentant des chevaux et il aura à s’occuper d’un véritable cheval appartenant à un officier anglais. De plus à la fin du récit le héros entretient une relation particulièrement tendre et éducative avec la fille de la fermière française dont il est amoureux (le mari de cette dernière est au front).

La personnalité de Pierre Drouault, instituteur à la Belle Époque, est largement développée ; il est devenu l’ami de Li Jian et l’épilogue le donne conservateur au Musée Guimet dans les années 1930. On est là dans la fiction et il ne faut pas aller chercher ici une approche romancée d'un épisode de la vie de Philippe Stern.

Voilà un roman historique d'environ 150 pages très bien écrit, avec des personnages principaux entretenant entre eux des relations subtiles. Les adultes prendront du plaisir à le lire et s'ils souhaitent en savoir plus sur le sujet, ils liront sous la direction de Li Ma l’ouvrage "Les travailleurs chinois en France dans la Première Guerre mondiale".

Il ne faut pas mettre derrière notre titre "Et les petits Français apprirent à jouer à pierre, ciseaux, papier" plus qu'une allusion. En fait les travailleurs chinois avaient peu de contact avec les populations locales, toutefois ils purent ponctuellement rencontrer des enfants et leur apprendre à jouer à 石头、剪子、布. On notera que notre auteure a démarré une série "Les cavaliers de l'ombre" où les chevaux tiennent une exceptionnelle place dans l'intrigue, nous avons présenté le tome 1 de cette série. Par ailleurs la BD "Opium" sorti début mai 2014 met en scène un peintre occidental (d'origine anglaise) en Chine au milieu du XIXe siècle.