Les muses parlent
de Truman Capote

critiqué par Jules, le 11 août 2003
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Beaucoup d'humour, des portraits hauts en couleurs
Nous sommes en 1955, en pleine guerre froide, et une troupe de chanteurs noirs est invitée à jouer « Porgy and Beth », de Gershwin, à Leningrad. puis à Moscou. Les danseurs et chanteurs américains sont déjà en tournée de par le monde depuis quatre ans. Ce voyage à l’Est représente la fin de la tournée et Robert Breen, directeur du « Everyman Opera Incorporated » espère bien que ces dernières représentations fassent un triomphe.
Truman Capote fait partie du groupe qui se déplace depuis Berlin vers la Russie. Ce livre est donc le récit de cette grande aventure. Ce n'est ni un ensemble d’articles de presse, ni un roman, mais bien un récit qui est le reflet de la façon dont l'auteur a perçu les Russes et la Russie, mais aussi la troupe et tous ceux qui l'accompagnent.
Les portraits qu'il nous donne sont bien souvent plein d'humour, parfois acides, souvent très ironiques, pour les Russes, mais aussi pour les artistes et leurs accompagnateurs.
Il se fait que Jean Dutour a rencontré Truman Capote après avoir lu ce livre. Celui-ci lui a tellement plut qu'il a demandé à l’auteur de pouvoir le traduire. Dans sa préface, il commence cependant par nous dire que si ce livre a bien des aspects drôles, Capote n’est en rien objectif dans sa description de la société soviétique et que, comme beaucoup, il est victime de la propagande occidentale. Il a lui-même été en Union soviétique une année auparavant et il écrit : « A la vérité, la révolution a apporté un grand bonheur au peuple russe… »
Au départ, les Russes ont accepté la venue de cette troupe surtout parce qu’elle était composée de « nègres », terme utilisé tout au long du livre, et qu’ils s’attendaient à ce que ceux-ci se laissent aller à de fortes critiques de la société américaine. Tel ne fut pas le cas et voici une des critiques parues dans la presse soviétique : « Nous avons été fort choqués par l'attitude hautaine et méprisante des Noirs, qui ont constamment refusé de se lier avec la population, très attendrie par leur couleur. » Or, ces contacts étaient des plus étroitement surveillés !
Mais, s'il n’épargne que peu leurs accompagnateurs « interprètes » soviétiques, Capote n’épargne pas certains occidentaux présents. Une certaine Mrs. Sulzberger demande : « Dites-moi : est-ce parce que les Russes ont toujours été maltraités qu'ils sont si affreux, ou bien est-ce parce qu’ils sont si affreux qu'ils ont toujours été maltraités ? »
Le voyage, en train, de toute la troupe entre Berlin et Leningrad est un grand moment du livre ! C'est dans l’inconfort général qu'il y analyse le comportement des membres de la troupe et de leurs accompagnateurs. Ces Américains, super gâtés, sont complètement perturbés.
C’est un bon livre, un récit intéressant, plein d’humour, et c'est surtout pour cela que j'ai tenu à le finir. J'ai cependant lu de bien meilleurs livres de Truman Capote, ainsi que bien plus acides !