La Pérégrination vers l'Ouest
de Wu Cheng'en

critiqué par SpaceCadet, le 14 mars 2014
(Ici ou Là - - ans)


La note:  étoiles
Voyage fantastique dans l'univers mythologique chinois
Sous la dynastie Tang, alors que la Chine vit une des périodes les plus prospères de son histoire, Xuanzang, l'un des plus grands traducteurs de sutras de Chine, part en Inde avec l'intention d'en ramener les textes bouddhistes qui contribueront l'implantation et au développement de cette religion en Chine. En tout, il met plus de treize ans pour accomplir cette mission dont les détails sont consignés dans un ouvrage portant le titre de 'Rapport du voyage en occident à l'époque des grands Tang'.

On peut aisément imaginer qu'à une époque où les échanges commerciaux avec l'ouest vont bon train, ces longs voyages vers et depuis l'étranger marquent les esprits et font les délices des conteurs et autres artistes en quête d'auditoire. Ainsi, divers récits s'inspirant du pèlerinage effectué par Xuanzang ne tardent-ils pas à circuler sur les places publiques, puis ils sont adaptés pour le théâtre, etc, jusqu'à ce qu'au XVIe siècle, soit environ 900 ans plus tard, Wu Cheng'en, compilant et révisant diverses versions ou parties de cette histoire, en propose un récit complet qui fera bientôt l'unanimité.

Considéré comme l'un des romans fantastiques les mieux réussis pour l'époque, 'Xi You Ji' s'est donc taillé une place de choix non seulement dans la culture populaire, mais aussi parmi les grands classiques de la littérature chinoise.

Véritable voyage dans un univers où le fantastique se marie avec la mythologie, ce roman illustre par ailleurs comment le bouddhisme, introduit en Chine dans le courant du premier siècle de notre ère, s'est graduellement intégré voire amalgamé au paysage religieux de l'époque pour constituer, avec le confucianisme et le taoïsme, ce qui peut être considéré comme l'essentiel de la pensée philosophico-spirituelle chinoise.

Après un court passage dans le domaine de la cosmogonie chinoise, on passe donc au VIIe siècle pour être bientôt entraînés à la suite du moine Tang Sanzang et de ses drôles de disciples, dans une série d'aventures au cours desquelles de nombreux vilains sont invariablement vaincus, tantôt par nos héros, mais le plus souvent par suite d'une intervention divine.

Narré sur un ton léger, cet ouvrage qui, dans la lignée de la tradition orale, se veut de prime abord un divertissement, fascine autant par sa richesse inventive que par les multiples interprétations que l'on peut en faire.

Au chapitre de l'écriture, on soulignera une judicieuse association de la prose avec le vers qui d'ailleurs sert admirablement bien cet univers fantastique et mythologique, mais dont la richesse grammaticale, sonore et rythmique est considérablement diluée par la traduction.

Enfin, à l'instar d'autres classiques de l'époque, ce roman exhibe certaines faiblesses au niveau de la construction, ce qui tend à casser le fil narratif, tandis que par ailleurs, il fait un usage répétitif des mêmes procédés, ce qui a l'heur d'exacerber l'impression de longueur.

Ceci étant, qu'il soit envisagé en tant que roman fantastique ou comme un moyen d'appréhender le paysage mythologico-religieux chinois (auquel cas on préférera une édition annotée), ce roman constitue, aux côtés des trois autres grands classiques, une excellente manière de se plonger dans l'univers culturel chinois.

Nota bene: Ce commentaire fait référence à la version traduite en anglais par W.J.F. Jenner publiée par Foreign Language Press.