Le dernier bus pour Woodstock
de Colin Dexter

critiqué par Shelton, le 8 mars 2014
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
L'entrée en scène de l'inspecteur Morse...
Il semblerait, c’est du moins ce qui se raconte dans le microcosme des fans de romans policiers, que Colin Dexter ait décidé d’écrire un premier roman policier après avoir subi un roman de très moyenne qualité. Lui qui avait été enseignant classique, latin-grec, était persuadé de pouvoir faire mieux, d’écrire un roman qui serait un policier tout en étant un véritable roman. Et ce roman que je vous invite à découvrir aujourd’hui est justement le premier qu’il a écrit, en 1975. C’est donc celui où l’on va découvrir cet inspecteur Morse que la télévision rendra célèbre avec John Thaw dans le rôle principal. Mais, malgré une excellente adaptation télévisée par Colin Dexter lui-même qui s’offre, comme Hitchcock, une apparition dans chaque épisode, rien ne vaut les romans dont ce premier coup d’essai que l’on peu classer en coup de maître…

Dès le départ de ce roman, on va découvrir deux personnages. D’une part l’inspecteur Morse dont la première qualité sera d’être un cruciverbiste invétéré et, d’autre part, le sergent Lewis qui semble à l’opposé de son chef. Il n’aime pas les mots croisés, n’a pas étudié Shakespeare, n’aime pas la musique classique encore moins l’opéra… C’est vrai que Morse est cultivé et que l’art lyrique est chez lui une grande passion, que les mots sont pour lui plus que de simples outils de communication, que l’architecture d’Oxford, sa ville, le fait vibrer… C’est aussi, ne le cachons pas, un homme qui peut être désagréable au possible, légèrement misanthrope, alcoolique, irritable, imprévisible…

Pourtant, il est aussi doté d’un bon sens d’observation, il est logique, du moins à sa façon, et il va résoudre les enquêtes sans trop de difficultés même si parfois il prend des chemins de traverse que ses supérieurs ne comprennent pas, voire critiquent sévèrement. C’est surtout avec le règlement de la police qu’il prend ses libertés car il est persuadé que toutes les entraves qu’il pourrait subir le retarderaient dans la découverte de la vérité…

Une jeune fille est découverte assassinée. Mr Stephen Westbrook appelle immédiatement la police et le sergent Lewis est le premier à arriver sur les lieux pour les constations classiques. Morse ne vient pas sur les lieux, c’est Lewis, sergent avec lequel il n’a jamais encore travaillé, qui lui communique les faits initiaux…

A partir de là, reconnaissons que nous ne sommes pas dans un polar hyper classique. En effet, généralement, l’objectif du lecteur est de découvrir le coupable avant l’inspecteur, d’être à l’affut des indices comme un joueur. Ici, nous sommes dans un roman social en quelque sorte et les romans de Colin Dexter ressemblent un peu à ceux de Georges Simenon. Le lecteur se laisse porter par la littérature, il n’est pas pressé de découvrir le coupable, de devoir refermer son roman. A la limite, chaque fausse piste empruntée par Morse le rassure, la lecture va pouvoir encore continuer…

Tout au long de cette enquête, nous allons fréquenter avec Morse les pubs, boire des bières à n’en plus pouvoir, rencontrer certains personnages glauques et infréquentables pour finalement comprendre comment cette jeune fille a été piégée… mais c’est là ce que vous découvrirez en lisant ce roman…

On découvre aussi que Morse aura une vie sentimentale délicate au fur et à mesure de ses enquêtes. Ce grand solitaire souhaite rencontrer l’âme sœur mais… ce ne sera pas pour cette fois. Après tout, nous ne sommes pas pressés, ce n’est que le premier roman !

Bon, vous êtes prêts à embarquer dans le dernier bus pour Woodstock ? Attention, parfois il faut attendre quelques minutes et sous la pluie, on n’est pas en Angleterre pour rien.
Un bon policier bien classique 9 étoiles

Dans la région d’Oxford (Grande-Bretagne), deux jeunes femmes attendent un bus qui doit les amener à Woodstock. Malheureusement, il est déjà tard et le seul bus qui passe ne s’y rend pas. Il ne leur reste plus qu’à faire du stop. Une voiture rouge s’arrête et les embarque. Quelque temps plus tard, la plus sexy des deux auto-stoppeuses est retrouvée morte, le crâne défoncé par un démonte-pneu, dans la cour du « Black Prince », pub assez chic du coin. L’inspecteur Morse et son adjoint Lewis se retrouvent chargés de l’affaire. Mais dès le début, il leur semble que la seconde jeune femme, Jennifer, leur ment effrontément et cherche à cacher quelque chose. En étudiant les courriers des collègues de la compagnie d’assurances où travaillaient les deux femmes, Morse découvre une lettre anonyme assez étrange qui semble codée. L’enquête s’annonce délicate et compliquée. Et pour ne rien arranger, voulant boucher un trou dans un mur de son appartement, Morse tombe du haut de son escabeau et se foule le pied…
« Dernier bus pour Woodstock » se présente comme un roman policier de facture tout à fait classique. Un meurtre. Un deux trois suspects. Autant de fausses pistes et de rebondissements possibles. Du début à la fin, ce diable de Colin Dexter, en parfait émule de la très grande Agatha Christie, nous balade d’hypothèse en hypothèse au gré de l’intuition et de l’imagination débordante de Morse, son enquêteur vedette. Fantasque, un brin caractériel voire sadique envers son partenaire souffre-douleurs, celui-ci se révèle comme un personnage atypique et attachant car pétri d’une humanité un brin bougonne. L’intrigue subtile et intelligente est si brillamment menée que le lecteur ne peut que suivre sans jamais vraiment pouvoir anticiper ni même deviner où on l’entraine. Les personnages secondaires sont intéressants et bien campés. Une mention spéciale pour Lewis. Après Holmes et Watson, Poirot et Hastings, voici donc un duo, Morse et Lewis, qui fonctionne parfaitement ! Le style est agréable et facile à lire. L’intérêt ne faiblit jamais vu le nombre de péripéties savamment distillées. Au total, un très agréable moment de lecture et de divertissement.

CC.RIDER - - 66 ans - 10 août 2020