La société parano : Théories du complot, menaces et incertitudes
de Véronique Campion-Vincent

critiqué par Elya, le 4 mars 2014
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
Quelques théories du complot
Tout le monde est susceptible de croire à des théories de type complotiste, à un moment ou à un autre et à des degrés et des conséquences variables ; c’est du moins ce que laisse entendre cet ouvrage. Par exemple, lorsque je suis allée chercher les références de ce livre sur Amazon avant de l’entamer, et que j’ai vu les commentaires très négatifs laissés, je me suis dit : « ça doit être des gens qui croient en des théories du complot et qui critiquent ce livre pour qu’il ne soit pas lu, ils font de la dissonance cognitive ! ». Alors qu’après avoir achevé cette lecture, je trouve la plupart de leurs remarques légitimes.

J’ai emprunté ce livre car il est recommandé par Gérarld BRONNER dans La pensée extrême, pour les lecteurs qui souhaitaient en savoir plus sur les théories du complot. Effectivement, l’introduction de l’ouvrage de Véronique CAMPION-VINCENT est éclairante par les définitions qu’elle pose, comme celle-ci : un théoricien du complot est une « personne attribuant à un évènement inexpliqué ou incompréhensible à un sinistre complot » (p13). Elle évoque très succinctement (en une ligne) la caractéristique principale de ces théories : leur caractère infalsifiable, car « tout contestation est considérée comme une preuve de participation au complot » (p7). J’aurai apprécié un développement plus long de cette caractéristique, qui n’est pas évidente à assimiler et qui explique sans doute la difficulté que l’on éprouve à échanger avec des théoriciens du complot lorsqu’on ne partage pas leur croyance.

Les différents chapitres montrent en quoi les théories du complot sont devenues le siège d’une importante industrie culturelle (chapitre 1). Il s’agit aussi d’évoquer les théories les plus en vogue ou les plus saugrenues, et d’essayer d’en tirer des points communs (chapitre 2 et 3) puis finalement de passer en revue les différents travaux scientifiques menés sur le sujet (chapitre 4), alors que jusqu’alors étaient plutôt citées des enquêtes journalistiques.
Ce dernier chapitre promettait d’être le plus intéressant. V. Campion-Vincent évoque la quantité faramineuse d’études parues sur le sujet et l’impossibilité de toutes les synthétiser ou même les lire. Elle en sélectionne donc seulement quelques unes, ce que l’on peut parfaitement comprendre. Mais je regrette qu’elle n’ait pas exposé ses critères de sélection ; les études retenues sont-elles les plus sérieuses ? les plus originales ? ou tout simplement, celles dont les conclusions vont le plus dans le sens de ses convictions ? Nous ne pouvons malheureusement pas savoir. Plus tôt, l’auteur dit se baser surtout sur des american studies, études qui seraient plutôt littéraires, mais elle n’explique pas en quoi elles consistent et quelle est leur validité avérée. Je n’ai pas trouvé de liens en français qui explique ce qui fait leur spécificité, c’est dommage que l’auteur ne renvoie pas à un document en rapport.
Pour construire cet essai, V. Campion Vincent s’appuie donc sur de nombreux ouvrages, articles de journaux, études scientifiques. Elle y renvoie assez régulièrement, mais malheureusement pas systématiquement. Ainsi, lorsqu’elle remet en cause la véracité historique du roman de Dan Brown, Da Vinci Code, et qu’elle présente la vraie version, elle n’indique malheureusement pas d’où elle tire cette version (voir page 30).

Cet ouvrage est assez intéressant pour faire un tour d’horizon des différentes théories du complot existantes. Le travail documentaire réalisé semble colossal, mais je trouve cela dommage que les méthodes de sélection et de tri employées ne soient pas assez explicitées.