Une journée de début d'automne
de Natsume Sōseki

critiqué par Myrco, le 2 mars 2014
(village de l'Orne - 74 ans)


La note:  étoiles
Le moineau au bec rose
Les éditions Picquier ont réuni au sein de ce recueil, sept petits textes de Sôseki, écrits dans la dernière décennie de sa courte vie (puisqu'il mourut en 1916 à l'âge de 49 ans). Deux d'entre eux seulement sont à mon sens de véritables nouvelles qui racontent une histoire : "Le moineau au bec rose" et "La lettre"; je qualifierais plus les autres de séquences autobiographiques assez courtes: relations de visites à un professeur aimé, d'un moment ou d'une journée particulière, anecdote liée à un séjour à l'hôpital...
Malgré leur intérêt fort inégal, elles ont en commun de nous associer à un épisode de la vie de l'auteur finalement souvent assez banal, mais avec cette façon si particulière, simple, familière et bien sympathique qu'il a de nous prendre par la main pour l'accompagner dans l'intimité de ses pensées , de ses sensations ou de sa perception poétique des choses.

Dans le premier texte, il nous conte une arrivée mémorable, un soir, chez un hôte à Kyôto, une arrivée dans une atmosphère glaciale au sens propre, empreinte du souvenir nostalgique d'un ami disparu. Pour illustrer cette élégance d'écriture que relève ici, comme il n'est pas rare, un zeste d'humour, je ne saurais mieux faire que de vous en livrer un extrait :
"Je tenais de mon hôte qu'à Kyôto on ne confectionne pas de vêtements de nuit munis de manches, et j'ai pensé que, décidément, c'était une ville qui prenait plaisir à faire grelotter les gens.
Vers le milieu de la nuit, la pendule du XVIIIe siècle qui était posée sur le petit meuble à étagères en bois de santal à mon chevet a sonné une fois, produisant un son comparable à une tasse d'argent qu'on frapperait avec une baguette d'ivoire. Je fus sorti de mon rêve, la pendule cessa de sonner, mais dans ma tête elle continuait à retentir. De surcroît, la résonance devenait plus fine, plus lointaine, plus précise, de mon oreille elle s'infiltrait au fond de mon tympan, de mon tympan elle passait au cerveau, de mon cerveau elle imprégnait mon cœur, puis à l'endroit où le cœur rejoint le corps, j'eus l'impression qu'elle s'enfuyait vers une contrée lointaine, où le cœur ne pouvait pas la suivre. Le son plein de fraîcheur de la sonnerie, traversant tout mon corps, passant à travers mon cœur pour pouvoir atteindre l'invisible sans limite, rendait mon corps et mon âme aussi purs que la glace, glacés comme un bloc de neige. Sous mes édredons de soie, j'étais transi de froid comme je ne l'avais jamais été. "


Dans "Bruits étranges", il est question de bruits ordinaires qui deviennent étranges et intrigants dans le contexte d'une chambre d'hôpital contiguë... et sous la plume de Sôseki, l'anodin parvient à éveiller et capter notre curiosité.

Mais il est un seul texte, un petit bijou auquel j'aurais attribué les 5 étoiles, pour lequel je donnerais tous les autres, il s'agit du "Moineau au bec rose ". Un jour, Sôseki introduit chez lui un moineau de Chine en cage, et dans sa solitude d'écrivain, cette petite boule si fragile devient d'abord un objet de curiosité et d'émerveillement, une responsabilité aussi... De ce petit oiseau toujours content, toujours prêt à chanter, qui ne demande pas grand-chose, juste qu'on veille à ses besoins, il épie les attitudes qu'il reçoit comme un cadeau, un privilège à observer...
Ce texte où pointe l'autodérision, a la délicatesse d'une miniature et le goût d'une friandise douce-amère et laisse le sentiment que l'homme ne mérite pas ce que la nature lui offre.

P.S: Ce recueil comprend :"Le soir de mon arrivée à Kyôto" (1907),"Le moineau au bec rose" (1908),"Le professeur Koeber" (1911),"L'adieu au professeur Koeber" (1914) ,"Bruits étranges" (1911),"La lettre" (1911) et "Une journée de début d'automne" (1912).
Grande finesse 9 étoiles

Comme d’habitude chez ce grand romancier japonais, quelques magnifiques descriptions, d’une grande finesse, de sentiments et d’émotions. De courts récits très agréables à lire qui datent du début du vingtième siècle.

1. « Le soir de mon arrivée à Kyoto « : Natsumé Sôseki est frigorifié lors de sa visite à Kyoto. Il se souvient de son ami le poète Shiki.
2. « Le moineau au bec rose » : Sôseki adopte un petit oiseau. Il le décrit admirablement.
3. « Professeur Koeber » : un prof d’origine allemande qui enseigna longtemps au Japon.
4. « Bruits étranges » : dans une chambre d’un hôpital
5. « La lettre » : le jeune Jukichi est-il prêt au mariage ou a t-il déjà versé dans la débauche ?
6. « Une journée du début d’automne » : juste avant les funérailles de l’empereur Meiji le 13 septembre 1912.


Extrait :

Un haïku de 1897 :

J’aimerais renaître
Si c’est possible
Aussi modeste qu’une violette

Catinus - Liège - 72 ans - 22 janvier 2015