Histoires de Noël
de Collectif

critiqué par Pierrequiroule, le 3 mars 2014
(Paris - 43 ans)


La note:  étoiles
Des fantômes sous le sapin!
Pour petits et grands, la nuit de Noël est un moment magique. Il flotte alors comme un parfum de surnaturel et les frontières entre le visible et l’invisible semblent pour un instant vaciller. Chez nos voisins d’outre-Manche, la « ghost story » que l’on se raconte le soir du réveillon est une tradition bien ancrée ; il existe même des publications spécial Noël qui mettent à l’honneur les fantômes. Ainsi le fameux hebdomadaire de Dickens, « All the Year Round », rassemble chaque année les meilleures nouvelles fantastiques de ses contemporains à l’occasion du réveillon. C’est dans cette tradition anglo-saxonne qu’a puisé Xavier Legrand-Ferronnière pour composer son anthologie. Douze récits nous sont ainsi proposés, douze histoires où les revenants, au grand désarroi des vivants, se mêlent aux festivités de Noël.

Dans la première nouvelle, « Interruption de service » (Marjorie Bowen), on assiste à une apparition insolite dans l’Auberge des Souhaits, par une nuit neigeuse de Noël. C’est aussi une ombre du passé qui se manifeste dans la bibliothèque du révérend Batchel; le saint homme se voit alors chargé d’une mission pour le moins inhabituelle (« Os de ses os » d’E. G. Swain).

Les facéties des fantômes sont parfois envisagées avec humour. Ainsi dans « Le fantôme aquatique de Harrowby Hall » (John Kendrick Bangs), le maître des lieux décide de jouer un mauvais tour à un revenant encombrant. De même dans « Les fantômes de Grantley » (Leonard Kip), les spectres sont traités de façon plutôt cavalière. Un baronnet reçoit à chaque Noël la visite de deux gentilshommes du XVIIème siècle qui prétendent être les vrais propriétaires du château. Colérique, notre homme leur jette chaque année un volume à la tête, jusqu’au moment où il découvre leur secret. Dans « La malédiction des Catafalque » (F. Anstey), la suffisance et la lâcheté du narrateur prêtent à rire: sera-t-il prêt malgré tout à affronter la malédiction de la chambre grise pour épouser une riche héritière ?

Mais dans les autres récits, les revenants inspirent plutôt l’effroi. « L’avertissement à Hertford O’Donnell » (Mrs J-H Riddell) met en scène un spectre du folklore irlandais: la « banshee ». Celle-ci apparaît sous les traits d’une femme éplorée à tous ceux qui vont bientôt connaître le deuil, et même le docteur O’Donnell, matérialiste débauché, ne peut échapper à cette sinistre prémonition.

Dans « Sir Philip fait sa cour » (Mary E. Braddon), récit qui se déroule sous Charles II, l’ombre d’un mari assassiné hante son meurtrier, peut-être pour l’avertir de sa destinée fatale. Dans « Qu’était-il ? » (Theo Gift), la vengeance se fait plus explicite : le mari trompé vend son âme au diable pour jouir de l’immortalité et exercer des représailles tous les sept ans sur une jeune femme innocente.

Mais la terreur est encore plus palpable lorsqu’elle s’ancre dans le quotidien. Ainsi, dans « Smee » (A. M. Burrage), l’une des nouvelles les plus effrayantes du recueil, des amis organisent une partie de cache-cache dans une vieille demeure, avant de découvrir qu’un intrus s’est glissé parmi eux… A. N. L. Munby évoque lui aussi un « Jeu de Noël » qui tourne mal : que faire lorsqu’une histoire d’horreur, racontée pour le réveillon au coin du feu, devient progressivement réalité ?

Le recueil comporte deux nouvelles inclassables où l’on ne croise pas de fantômes au sens habituel du terme. Dans « Transition », Algernon Blackwood décrit l’expérience d’un homme ordinaire qui passe dans l’au-delà sans même s’en douter. Quant à « L’ombre » (Edith Nesbit), « ce n’est pas une histoire de fantôme artistiquement peaufinée. Rien n’y est expliqué, et il ne semble pas qu’il y ait de sens à ce qui s’est produit. » C’est l’histoire d’une présence impalpable qui hante la maison d’un couple en apparence heureux…

Cette anthologie contient de vrais petits bijoux de la littérature fantastique. Tous sont d'une qualité exceptionnelle et à ma connaissance inédits en français! On y retrouve les signatures de victoriennes célèbres - comme Mary Elizabeth Braddon ou Charlotte Riddell - et d’auteurs moins connus mais talentueux, ayant publié entre 1860 et 1950. Les notices biographiques et bibliographiques en fin d’ouvrage permettent d’en savoir plus à leur sujet. Voilà donc un cadeau idéal pour un Noël plein de mystère et de frissons !