Violette Nozière vilaine chérie
de Eddy Simon (Scénario), Camille Benyamina (Dessin)

critiqué par Shelton, le 21 février 2014
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
C'est à lire pour qui veut savoir...
Le récit de fait divers est un art particulier car il est aussi révélateur pour celui qui le lit d’aspects plus ou moins sympathiques de sa propre personnalité. Car, après tout, lit-on par curiosité malsaine, souci historique, pour apprendre de la nature humaine et ainsi s’enrichir profondément, pour percevoir la ligne rouge entre le bien et le mal et ainsi se protéger, par morbidité… Il y a probablement de tout cela chez le lecteur et, aussi, pourquoi le cacher, chez les auteurs…

On peut aussi voir les choses sous un angle différent. Le fait divers est avant tout une histoire humaine, un destin souvent tragique, et, à ce titre, il vaut bien des histoires sorties directement du cerveau et de l’imagination des auteurs… Le fait divers, une aventure plus vraie que vraie, plus forte et plus tragique que toutes celles que l’on a pu imaginer… Et c’est peut-être bien vrai, allez savoir…

Je ne vais donc pas revenir sur le fait divers lui-même, il date des années trente et si vous le connaissez vous allez en avoir une version revisitée par ces deux auteurs, Eddy Simon et Camille Benyamina. Dans le cas contraire, bonne découverte, laissez-vous porter et bousculer par le récit, textuel – précis, documenté et solide – et graphique, de très grande qualité pour une première bande dessinée. Il sera toujours temps d’aller vérifier la véracité de cette version. Attention, n’allez pas vérifier n’importe où, tout ce qui est sur Internet n’est pas vérité évangélique…

Il s’agit, finalement d’une histoire banale d’une jeune fille et de ses rapports avec ses parents. Je trouve que le premier point fort est la mise en contact avec les trois personnages, avec leurs caractères, avec leurs qualités et leurs défauts. J’ai découvert là des personnages crédibles, humains même dans leur démesure et dans leurs excès. Et c’est ce qui transforme cette bédé en drame absolu. Les auteurs évitent de donner des leçons, de tirer une ou plusieurs morales de l’histoire. Ils se contentent de montrer les faits, de faire parler les acteurs ou les témoins, et ça fonctionne bien !

La narration graphique est étonnante et cette jeune dessinatrice a déjà une patte, un style, une signature. Là aussi, c’est efficace, puissant, prenant, le lecteur est comme pris au piège et il accepte de se laisser entrainer vers le drame qu’il sait inéluctable. On espère vraiment que Camille Benyamina puisse continuer dans cette voie, qu’elle puisse nous raconter d’autres histoires, de faits divers ou d’autres genres. On a réellement envie de la relire !

Et la vérité, me direz-vous ? Très complexe et cette histoire criminelle a soulevé bien des passions avec une interprétation sociale, une autre familiale, une autre quasi pathologique… La justice a suivi son cours faisant passer Violette de la peine de mort à la réhabilitation avec des étapes spécifiques comme la grâce présidentielle, la réduction de peine par Pétain, la défense par les Surréalistes… sans oublier que son destin a été raconté moult fois avec tous les supports médiatiques possibles. Ce fut même probablement la première grande affaire médiatico-juridique ! Cette bande dessinée, toute en finesse, poésie et psychologie mérite d’être lue pour découvrir ce fait divers ou passer un très bon moment de lecture…