Vois comme ton ombre s'allonge
de Gipi

critiqué par Bluewitch, le 19 février 2014
(Charleroi - 45 ans)


La note:  étoiles
Vies en fragments
Silvano Landi est un écrivain qui n’écrit plus, hospitalisé dans une clinique psychiatrique, souffrant peut-être d’une schizophrénie brutale, d’obsessions, de perte de contact avec la réalité,… Le scénario ne nous le dit que progressivement mais on se doute, dès les premières pages, que la structure psychique du héros est en souffrance…

Oscillant entre "souvenirs" de guerre, celle des tranchées, et le présent d’un homme en relations distantes avec sa fille, avec ses médecins, on comprend au fil du récit le lien qui unit le personnage à un aïeul : des lettres du front, des lettres d’amour et de désespoir. De cette autre histoire que la sienne, Landi s’est fait un manteau de folie. Lui qui n’est pas dessinateur, il passe pourtant ses jours à exprimer deux mêmes thèmes sur le papier : un arbre mort et une station service. Deux symboles de tragédies qui ont bouleversé sa vie.

Si le thème de cette BD ne remonte certes pas le moral, il permet d’entrer dans un univers mêlant la déstructure du rêve et de la mémoire au cruel réalisme de la guerre, à la froideur et la condescendance du monde face à la folie.

Beaucoup de variations dans le graphisme : de belles scènes d’aquarelle dans la noirceur mais dans l’intensité sûrement, en alternance avec des esquisses correspondant à la froideur des "spectateurs" de sa folie.

Parcours de deux hommes en un seul, solitude et anéantissement, dans un récit construit de façon vraiment brillante. Les émotions se succèdent et se mélangent : incompréhension, peur, compassion, horreur, sans verser dans le cliché ou le pathos. Tout semble juste : un roman graphique réussi.