Hemingway : Portrait de l'artiste en guerrier blessé
de Jerome Charyn

critiqué par Tistou, le 17 février 2014
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Portrait de l’artiste en guerrier blessé
Biographie d’un écrivain américain par un autre écrivain américain. Ce n’est évidemment pas purement factuel ; ça dépasse largement le cadre de l’interprétation.
On y trouve donc des données de base concernant Hemingway. Sa naissance à la littérature via le journalisme, au « Kansas City star », via sa blessure reçue sur le front italien en Juillet 1918 qui lui confère respectabilité, début de célébrité et qui lui sert dès le départ de caution morale. Ses femmes successives, son entrée en littérature progressive, le statut d’homme d’action acquis … d’office.
Une vie totalement atypique, marquée très tôt par le sceau du succès et de la célébrité, et puis, à l’automne de sa vie, les deux accidents d’avions successifs qui vont le rendre notablement diminué à la vie d’écrivain. Son dernier exil à Ketchum, dans l’Idaho, dans le genre « les écrivains se cachent pour mourir », sa décrépitude jusqu’à la balle qu’il se tire dans la tête le 2 Juillet 1961 …
On sent nettement le respect et l’admiration de Jerome Charyn pour Hemingway, « le guerrier blessé ». Par exemple dans cette citation donnée par Charyn et dans son commentaire :

« « Certains écrivains ne sont nés que pour aider un autre écrivain à écrire une seule phrase », déclarait Hemingway dans « Les vertes collines d’Afrique », et c’est là l’héroïsme d’Hemingway : à nous tous qui écrivons, il a servi de professeur. Il n’y a pas un écrivain postérieur à Hemingway qui n’ait appris de lui. Il a changé notre style, notre manière de considérer les archipels de mots et les espaces blancs infinis qui les entourent. »

L’ouvrage est agrémenté de nouvelles, d’extraits de romans qui servent à Jerome Charyn à développer ses thèses. Et ses thèses sont très favorables à Hemingway !

« C’est un écrivain qui continue à hanter notre siècle de sa prose étrange, cristalline, de ses contradictions et de ses nombreux masques : Ernest Miller Hemingway, alias « Papa », le plus étudié et le moins compris des écrivains américains, tout à la fois écrasé de louanges et sous-estimé.
Pour John O’Hara, qui a lui-même singé le style d’Hemingway dans ses propres romans et nouvelles, il était « l’auteur le plus important depuis Shakespeare ». O’Hara se trompait. Comme créateur, Hemingway ne rivalisait pas avec Shakespeare mais c’est en tant qu’individu qu’il était shakespearien, un mélange de Falstaff et du roi Lear, doté de trois fils au lieu de filles (et de quatre femmes !). Qu’importe sa sottise, son arrogance, son insanité, il débordait du cadre de sa propre vie ou de celui de toute autre personne. »