Johnny Bel-OEil : Un conte de la Révolution américaine
de Jerome Charyn

critiqué par Tistou, le 11 février 2014
( - 68 ans)


La note:  étoiles
1776 – 1799, pendant la guerre d’Indépendance américaine
Si j’ai pu émettre des réserves sur le style … baroque, ou du moins la manière baroque de mener des histoires dans la série Isaac Sidel, de Jerome Charyn, je suis carrément tombé sous le charme de ce « Johnny Bel-Œil », dont le souffle, l’ambition m’ont rappelé des émotions de lecture ressenties avec « Belle du Seigneur » de Cohen ou « Le quatuor d’Alexandrie » de Lawrence Durrell. Non pas que les thèmes aient grand-chose à voir. Non. Mais pour ce sentiment, durant la lecture, d’être face à quelque chose de rare, d’exigeant mais gratifiant.
Jerome Charyn s’empare carrément de la guerre d’Indépendance américaine et notre « Johnny Bel-Œil » est un « batard », né, lui semble-t-il de la tenancière du plus florissant bordel de Manhattan, tenue par Gertrude - celle qu’il pense être sa mère donc – Gertrude qui accueille dans son noble établissement, entourée de ses « filles » (les « nonnes » les appelle-t-on) aussi bien George Washington, le chef des rebelles, que William Howe et son frère l’Amiral Richard Howe, les officiers de la Couronne qui font la guerre aux rebelles.
Parmi les nonnes, il y a la sublime Clara, quarteronne échouée un beau matin aux portes du « Jardin de la Reine » (c’est le nom du bordel en question ( !)), recueillie et adoubée comme devant lui succéder par Gertrude et qui mène tous les hommes par le bout du … nez, dira-t-on ! Et évidemment, Johnny Bel-Œil, ainsi appelé pour avoir perdu un œil au Canada en combattant avec un des généraux de Washington, Benedict Arnold, ne jure que par Clara.
Ce pourrait être simple, avec une structure, linéaire ou non, identifiée et rassurante mais … nous sommes dans un roman de Jerome Charyn !! Et Johnny lui-même ne sait plus vraiment pour qui il fait du renseignement. Agent double, triple, quadruple, … retourné, démasqué, réutilisé … Il est quasiment condamné à mort par les troupes de George Washington, puis il fait du cachot dans la cale infecte d’un vaisseau pourri britannique … Jerome Charyn fait valser tout ceci de manière très convaincante, revisitant les prémices de l’Indépendance américaine conquise dans un dénuement effroyable. Je ne suis pas allé vérifier la véracité des faits, des batailles, évoqués par Jerome Charyn mais, à vrai dire, je n’en doute pas. C’est du grand ouvrage sur la grande Histoire ornementé de « Charyneries » typiques. Histoire de ne pas se pendre définitivement au sérieux, je suppose …