Buvard
de Julia Kerninon

critiqué par Isad, le 8 février 2014
( - - ans)


La note:  étoiles
Écrire passe avant aimer
Ce premier roman est un livre fort. Celui d’une âme déchirée qui se livre. Une femme qui, après une enfance matérielle et intellectuelle pauvre, s’engouffre dans la littérature qu’elle dévore et qui la grignote. C’est le récit d’une personne avec qui il est difficile de vivre car elle fait passer son art avant ses proches qui ne comprennent pas cette soif absolue de coucher des mots sur le papier. C’est cette transformation qui nous est montrée, celle d’une violence contenue qui se jette sur la machine à écrire pour s’en délester en la sublimant.

Les chapitres sont très courts, successions de points de détails dans le déroulé d’une histoire de vie qui facilite la lecture dans le métro mais en rompt la continuité pour qui lit au long cours. Le style est fluide, parfois nerveux, pressé par l’urgence.

Une écrivaine, dont les œuvres sont saluées par la critique, explique sa passion de l’écriture à un jeune étudiant qui lui a demandé une interview après avoir été enthousiasmé par ses livres. Alors qu’elle refuse tout contact avec les journalistes, elle va le recevoir et il restera plusieurs semaines dans sa maison. Elle parle par petits bouts de son amour réciproque pour un poète. Ils sont fiers de leur talent mutuel mais ont peur d’être asséchés l’un par l’autre.
Le narrateur commente les livres, romans et poésie, dont le contenu ou la forme prennent un nouveau sens pour lui grâce à sa connaissance des éléments de la vie de l’écrivaine. Il y décèle des échos et fait parfois des comparaisons avec sa propre existence.

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Buvard bavard 3 étoiles

Je viens d’achever le livre de Julia Kerninon qui m’avait été conseillé par une libraire et qui a reçu de nombreux prix mais, hélas, je ne peux cacher ma déception : je n’ai pas cru une seule seconde à cette histoire que j’ai trouvée complètement invraisemblable, truffée de clichés et dont l’écriture m’a semblé dépourvue d’originalité et bourrée de lieux communs. Je suis peut-être d’autant plus déçue que je m’attendais à une oeuvre vraiment intéressante… En plus, le sujet avait tout pour me plaire…
Lou, jeune homme fasciné par les livres de Caroline N. Spacek, lui a demandé l’autorisation de la rencontrer afin de l’interviewer. Cette dernière est quelqu’un de mystérieux, les journalistes ont du mal à l’approcher et elle ne se rend pas aux séances de signatures… Et pourtant notre jeune narrateur restera chez elle, neuf semaines, dans cette maison de campagne anglaise « baignée de lumière pratiquement toute la journée ». Cette femme revient de loin : elle a vécu son enfance sur un terrain vague auprès d’une mère obèse et d’un père alcoolique. Vers l’âge de dix-huit ans, alors qu’elle travaille dans un café, elle est remarquée par un homme, Jude Amos, le grand poète, qui lui demande de partir immédiatement avec lui. Elle deviendra sa secrétaire. Elle accepte et part. Des nuits et des jours, elle tape les textes de monsieur et finit par les retoucher. Alors Jude lui demande d’apprendre à écrire correctement, lui fait lire le dictionnaire et finit par partir, vaguement vexé d’être dépassé par son élève. Caroline écrit et publie : tout le monde s’arrache ses livres. Elle rencontre d’autres hommes mais reste amoureuse de Jude qui devient le destinataire implicite de toutes ses oeuvres. Cherchant à l’oublier, elle parcourt l’Europe : « A Venise, je sortais les nuits de grande marée marcher avec des bottes en caoutchouc dans les rues inondées. De là, j’ai pris le train de nuit pour Budapest, où j’ai lavé mon corps dans les saunas brûlants…. » Pour moi, tout cela fait trop carte postale…
Quant au narrateur, lui aussi revient de loin : un père alcoolique et violent qui n’a pas supporté l’homosexualité de son fils. Heureusement, ce dernier a rencontré sur le bord de la route un amant fortuné, Piet, qui l’autorise à rester neuf semaines chez Caroline et qui l’attend bien patiemment, lui conseillant de ne pas brusquer la dite Caroline en voulant lui soutirer trop d’informations : « -Reste là-bas, Lou. Appelle s’il te faut quoi que ce soit, et fais signe quand tu veux rentrer, d’accord ? » Il y en a qui savent aimer ! Piet a su l’arracher à sa famille de misère, l’a inscrit à l’université et lui a fait découvrir les livres de Caroline… Vous me suivez ?
Non, décidément, trop c’est trop ! Encore une fois, je n’ai pas cru une seconde à cette Caroline, auteur jeune et géniale, qui écrit « assise dans l’escalier, une Chupa Chups dans la bouche. »
Un deuxième texte de Julia Kerninon m’attend sur ma table de nuit, je croise les doigts !

Lucia-lilas - - 58 ans - 2 avril 2016


J'ai adoré ! 9 étoiles

J'ai lu ce livre dans le cadre d'un prix littéraire organisé par mon comité d'entreprise, donc sans en avoir jamais entendu parler, ni même sans avoir lu la quatrième de couverture. Je l'ai donc ouvert sans m'attendre à rien du tout, et.... Un véritable coup de cœur ! 192 pages avalées d'une traite, sans pauses...
J'ai tout aimé : Le style, l'originalité de l'histoire, le sujet et les personnages.

Vigneric - - 55 ans - 22 mai 2015


Un roman étonnant de maturité 6 étoiles

Avec sa prose fine et ciselée, Buvard est un roman étonnant de maturité au regard de l’âge de son auteure (vingt-sept ans au moment de sa publication). Tout en interrogeant avec acuité sur les ressorts de la création littéraire, Julia Kerninon brosse en effet un portrait fictionnel très convaincant de Caroline N. Spacek, un écrivain pour qui la passion amoureuse et l’écriture vont se mêler intimement.

Le livre a bien quelques petits défauts à mon goût  (le personnage de Lou, qui interviewe Caroline N. Spacek, m’a semblé peu crédible ; un ou deux passages assez sordides, tranchant de façon désagréable avec le ton d’ensemble du récit ; le dénouement final, qui m’a paru inutilement mélodramatique). Il n'empêche que Buvard montre une construction très maîtrisée ainsi qu'une grande élégance dans la manière dont est traité le thème du processus créatif. Julia Kerninon signe avec ce premier roman un début de carrière littéraire plutôt prometteur.

Fanou03 - * - 49 ans - 13 avril 2015


Au début était l'écriture ... 9 étoiles

Attention, jeune talent français.
La nantaise Julia Kerninon n’a que 27 ans mais vient de sortir un excellent premier roman : Buvard.
Et en s’attaquant à un sujet pas facile puisqu’il est question de littérature et d’écriture : beaucoup de choses ont été dites (et écrites !) là-dessus et il est toujours un peu casse-gueule de vouloir faire entendre sa voix dans un paysage déjà bien balisé.
Julia Kerninon réussit à tirer sa plume du jeu grâce en grande partie à son personnage principal, Caroline N. Spacek une écrivain(e) plus vraie que nature.
Une auteure à la réputation un peu sulfureuse, un peu secrète, un peu sauvage, recluse dans sa campagne, planquée à l’abri des regards indiscrets et fuyant les interviews intrusives, c’est la rançon de son grand succès.
Contre toute attente, un jeune homme épris de sa prose réussit à obtenir un rendez-vous avec la dame …
Nous voici donc avec dans les mains un livre de Julia Kerninon avec dedans le livre du jeune Lou sur la romancière Caroline qui écrit des livres … Joli jeu de miroirs avec au centre, l’écriture, ses affres, ses douleurs, ses enchantements, on connait la chanson …
Julia Kerninon entonne son refrain sur cet air connu. Et fort justement, l’écriture de la jeune nantaise est à la hauteur de son sujet.
Avec des petites phrases tracées pour faire mouche, parfois un peu convenues mais le plus souvent éclairée de perles sublimes.
Durant ces quelques mois d’été naîtra une histoire d’intelligence (au sens premier) et presque d’amour entre ce lecteur et cette auteure, un dialogue exploratoire où l’on découvrira chacun porteur d’un trop lourd passé :
Et puis bien sûr on découvre ce métier, cette magie, cette passion qu’est l’écriture et qui semble plus tenir de la folie que de la vocation :
L’aventure littéraire recèle également (et même fait corps avec) une belle histoire d’amour, tout aussi folle et passionnée.
Cette vraie-fausse biographie qui se dévore comme un polar, nous plonge au cœur des mystères de l’écriture. Caroline N. Spacek aura eu une vie et un métier passionnant.
C’est aussi le métier de Julia Kerninon : espérons que sa vie sera plus calme !

BMR & MAM - Paris - 64 ans - 5 juin 2014