La Grande Guerre : fin d'un monde, début d'un siècle : 1914-1918
de François Cochet

critiqué par JulesRomans, le 5 août 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Comprendre les processus décisionnels et voir comment ils sont perçus à la base
Cet ouvrage suit un plan chronologique et en sept chapitres il couvre l’ensemble de la durée du conflit en insistant chaque fois sur un point particulier :

"l’été le plus meurtrier",
"1915 : la guerre s’invente dans les tranchées",
"1915-1916 : les sociétés dans la guerre",
"1916-1917 : le temps des hyperbatailles",
"hommes à la peine dans les hyperbatailles",
"désarrois, révolutions et paix (1917-1918) : les fronts intérieurs",
"1918 : comme en 1914 ?".

S’ajoute un chapitre qui au début de l’ouvrage interroge sur les ressorts de la déclaration de guerre et un chapitre final qui réfléchit sur les suites du conflit tant au niveau de la psychologie individuelle ou collective que des politiques des états. Le contenu s’intéresse à ce qui touche l’engagement de toutes les nations en Europe et Aise mineure, d’ailleurs sur les quinze cartes proposées, un peu plus de la moitié concernent un autre territoire que celui de la Belgique et de la France.

Il est à relever que sans développer, l’ouvrage tord le cou à la légende de la tranchée des baïonnettes qui rapportait que des soldats vendéens étaient morts soufflés par un obus et enterrés debout dans la tranchée avec leur fusil le long du corps (page 456). L’auteur montre combien les motivations des engagements sont différentes en 1914 et les années suivantes ; très majoritairement dans l’infanterie au début du conflit, elles tombent à 4% dans cette arme par désir d’éviter une perspective de mort 15 fois supérieure dans l’infanterie que l’artillerie (page 309). Les représentations du conflit par des peintres des deux camps sont évoquées en quatre pages (pages 413 à 416). On apprend qu’à la veille de l’Armistice troupes françaises, américaines et anglaises sur le front allant d’Ypres à la Suisse sont respectivement de 41%, 31% et 28% ; en avril 1919 les poilus seraient devenus moins nombreux que les sammies sur le front français.

L’auteur rappelle que Clemenceau et d’autres craignaient beaucoup que la combativité allemande redevienne bien plus forte lorsqu’il se serait agi de se battre sur le sol de la patrie (page 421). L’existence de scènes de femmes tondues à Bruges et Gand est rapportée (page 443).

Parmi les clins d’œil à une histoire plus proche, on note la mention de la longue carrière politique de Louis Jacquinot comme député de la Meuse qui reçut un sérieux coup de pouce du fait qu’il avait été engagé volontaire en 1916 (d’ailleurs dans l’artillerie) et que Robert Jospin (le père de Lionel) est après le décès de son fondateur Victor Méric le principal dirigeant d’un mouvement pacifiste dans l’Entre-deux-guerres.

L’on voit qu’au-delà des faits les plus importants, cet ouvrage choisit de mettre en lumière des données secondaires mais significatives qui servent à mieux éclaircir le déroulement de la guerre et de l’après-guerre.

François Cochet dirige l'équipe "Politique et conflits" du Centre de recherche universitaire lorrain d'histoire (CRULH) ; il est spécialiste des conflits contemporains et de l'expérience combattante, il livre ici une claire synthèse en s’appuyant sur les textes qu’il a déjà publiés et de nombreux ouvrages sur la Grande Guerre. La bibliographie indicative tient dix pages et ne représente qu’environ la moitié des textes cités tout au long de l’ouvrage.