Le mystère de Roccapendente
de Marco Malvaldi

critiqué par Ellane92, le 8 juillet 2014
(Boulogne-Billancourt - 49 ans)


La note:  étoiles
meurtre au chateau
Pellegrino Artusi, célèbre gastronome littéraire, est invité à passer quelques jours au manoir de Roccapendente. C'est le baron lui-même qui l'a invité, ainsi qu'un photographe venu immortaliser cette noble famille au lendemain de la réunification de l'Italie. Le photographe, passe encore, mais les deux fils du baron s'interrogent très sérieusement sur l'intérêt de la présence de ce roturier, alors que leur sœur, Cecilia, semble plutôt heureuse de sa venue. Quoiqu'il en soit, les grosses moustaches d'Artusi frétillent à l'idée du dîner gastronomique promis, et le reste de sa personne est ravie de passer quelques jours au vert. Mais tout ne se passe pas comme prévu "Dire qu'hier encore, en arrivant dans ce manoir, je me figurais y trouver la paix et la tranquillité, il y a de quoi se traiter de couillon. Les évènements de la journée d'aujourd'hui ont été tellement nombreux et à ce point absurdes que ce serait folie, je crois, de les écrire tous". Après un diner mettant en valeur la qualité de la table de son hôte et une nuit plutôt tranquille, Artusi est réveillé par un cri inhumain, poussé par la garde-malade de la baronne-mère paralytique : le majordome du manoir, Teodoro, est retrouvé mort, enfermé de l'intérieur dans la cave. Voilà une enquête bien mystérieuse, qui sera menée par le délégué à la sécurité publique Artistico qui, épaulé par Artusi, se frotte les mains de plaisir anticipé : voilà enfin un bon prétexte pour mettre un pied dans le manoir et traiter comme de simple citoyens ses habitants. Ce qui, bien sûr, n'est pas tout à fait au gout desdits habitants du lieu.

Le mystère de Roccapendente, sous couvert d'enquête policière, nous propose un portrait au vitriol de la noblesse italienne au moment de la réunification de l'Italie. Le livre se compose du récit de l'enquête à proprement parler, des extraits du journal intime du cuisinier, et des digressions de l'auteur qui n'hésite pas à nous parler des mœurs de ce temps-là (l'histoire se déroule en 1895) ou à glisser quelques commentaires ironiques sur notre époque actuelle. En fin d'ouvrage, petit bonus, on trouve une sélection de recettes issues de "La Scienza in cucina e l'Arte di mangiar bene" de Pellegrino Artusi, personnage qui a réellement existé.

Mise en scène d'une époque, l'auteur évoque la décadence de la noblesse italienne, les difficultés d'un rassemblement d'une flopée de régions à la diversité aussi bien culturelle que linguistique, la (toute petite) place des femmes dans la société, etc. De nombreux sous-entendus sont faits de manière ironique et mordante sur les difficultés politiques et sociétales, qui malheureusement échappent au lecteur lambda qui n'y connait rien ou pas grand-chose à l'histoire de ce pays (c'est-à-dire, à moi !).
C'est vrai que les personnages et les situations empruntent souvent au cliché leur raison d'être, voire frôlent carrément la caricature ; il n'y a qu'à voir les portraits de Gaddo, le fils ainé du baron, qui "était du genre à s'essouffler rien qu'en se coupant les ongles", ou de son petit frère, Lapo, qui a une conception bien à lui des relations avec les êtres humains : "Si c'était une femme : belle, on la baisait ; laide, on en baisait une autre. Si c'était un homme, on allait au bordel avec lui". C'est souvent très drôle, mais cette ironie qui tombe parfois dans la facilité a fini par me lasser.
Au final, Le mystère de Roccapendente est une lecture amusante et plaisante, qui ravira sans doute les férus de l'histoire italiennes, quant aux autres, il se présentera comme un agréable divertissement donnant une envie irrépressible de se rendre à la "trattoria" la plus proche !

Le choléra, le typhus, les inondations et autres colères de Dieu peuvent bien survenir, tant qu'on déjeune à midi et qu'on dine à sept heures, le monde, pour Pellegrino Artusi, est un endroit où il n'y a pas de préoccupation digne de vous ôter le sommeil.