La saga des Romanov
de Jean Des Cars

critiqué par VLEROY, le 25 janvier 2014
( - 45 ans)


La note:  étoiles
300 ans d'histoire russe de Pierre le Grand à Nicolas II
Dans cet ouvrage objectif et agréable à lire, Jean des Cars nous retrace le passé impérial de la Russie de l'arrivée au pouvoir de la dynastie Romanov en 1613 à la fin de la monarchie en 1917. Pierre le Grand veut réformer son pays qu'il juge trop oriental et trop arriéré. Il fait construire en un temps record la ville de Saint-Pétersbourg, inspirée d'Amsterdam, qui devient la capitale russe. Comme il a fait torturer et exécuter son propre fils, la succession de Pierre le Grand est délicate : sa deuxième épouse Catherine Ière, son petit-fils Pierre II et sa nièce Anna se succèdent en une dizaine d'années sans parvenir à s'imposer.

En 1741, sa fille Elisabeth, grande collectionneuse d'amants, réalise un coup d'Etat dans le calme. Opposée à la peine capitale, il n'y aura aucune exécution durant ses 21 ans de règne. Elle développe le commerce et l'industrie.

Au cours de ses 186 jours de règne, le germanophile et faible d'esprit Pierre III fait la paix avec la Prusse de Frédéric II et leur rend la Prusse orientale, ce qui provoque la colère des Russes. Son épouse Catherine la Grande le détrône. Amie de Voltaire et de Diderot, elle crée le célèbre Musée de l'Ermitage. Les nouvelles annexions font de la Russie l'Etat le plus peuplé et le plus puissant d'Europe.

Catherine avait choisi son petit-fils Alexandre comme héritier, mais son fils Paul Ier brûle le testament. Ce dernier reprochait aussi à sa mère son implication dans la mort suspecte de son père Pierre III. Paul Ier décide de remplacer le libre choix du successeur par la primogéniture en ligne mâle pour la succession au trône. C'est un bureaucrate raffolant de la paperasserie et de l'activité législative... dont 3/4 des projets de lois sont inapplicables! Il est assassiné en 1801 avec la complicité passive de son fils Alexandre qui s'en voudra toute sa vie.

Alexandre Ier signe la paix de Tilsit avec Napoléon, mais refuse qu'il se marie avec une de ses sœurs et la lune de miel franco-russe ne dure pas. En 1812, Napoléon envahit la Russie qui gagne cependant cette guerre. Alexandre entre sans combat dans Paris en 1814 et organise l'exil de Napoléon sur l'île d'Elbe.

En 1825, son frère Nicolas Ier lui succède dans un climat de révolte qu'il mate aussitôt. On le surnomme "Nicolas le Sanglant" ou "le tsar de fer". Mais il est aussi à l'origine du Recueil complet des lois de l'Empire russe qui restera en vigueur jusqu'en 1917, réduit d'un tiers le train de vie de la Cour, développe le chemin de fer et soutient financièrement la famille de Pouchkine après la mort du poète. Il déclare la guerre de Crimée à la France et à l'Angleterre, mais il ne la remporte pas. Nicolas meurt quelques mois plus tard.

Après six ans de négociations, le libéral Alexandre II parvient à obtenir, en 1861, l'abolition du servage qui affranchit... 47 millions de serfs! Et les jeunes filles ont désormais l'accès aux études secondaires et supérieures. Il vend l'Alaska aux Etats-Unis. La Russie reste neutre dans le conflit franco-prussien de 1870, mais Alexandre II se réjouit de la chute de Napoléon III. Il signe ensuite l'Alliance des Trois Empereurs avec la Prusse et l'Autriche-Hongrie. Ses réformes lui valent de nombreux ennemis : après sept attentats ratés, Alexandre II est assassiné en 1881, alors qu'il réfléchissait à l'instauration d'une monarchie constitutionnelle.

Après le libéralisme de son père, Alexandre III se montre plus conservateur, enterre certaines réformes et étouffe par la force les aspirations révolutionnaires. Mais il rétablit les finances publiques, crée une Banque foncière pour les paysans et une première législation ouvrière. Son règne est l'un des seuls de l'histoire russe sans guerre. Guère belliqueux, il rompt l'Alliance des Trois Empereurs et s'allie à la France. Contrairement à ses prédécesseurs, il sera fidèle à son épouse la princesse Dagmar de Danemark avec qui il forme un couple très uni.

Nicolas II est tout aussi sourd que son père aux réformes réclamées, et ne se rend pas compte de la montée en puissance des idées révolutionnaires. En 1905, une manifestation pacifique et non armée pour le changement est réprimée par le gouvernement : 5.000 morts. Les grèves se multiplient. Serge, l'oncle du tsar, est assassiné. La guerre russo-japonaise tourne au fiasco. Préférant une vie bourgeoise à l'écart, souvent hésitant et faible, accaparé par l'hémophilie de son héritier Alexis né en 1904, Nicolas II est sous l'influence de Raspoutine et commet beaucoup de maladresses, sans tenter la monarchie constitutionnelle.

Le 1er août 1914, l'Allemagne déclare la guerre à la Russie qui reçoit le soutien de la France, mais est très mal préparée. Le mécontentement s'installe dans la population. Nicolas II parti visiter ses troupes au front en 1917, les manifestations se multiplient. L'armée et la Douma lui demandent d'abdiquer, ce qu'il accepte le 2 mars après 23 ans de règne. Ses cousins les rois de Danemark et de Grande-Bretagne ne montrent aucune envie de l'accueillir. Lénine revient de son exil suisse, prend le pouvoir et signe l'armistice de mars 1918. Nicolas II, son épouse, leurs enfants et d'autres Romanov sont assassinés dans des conditions horribles. Par contre, l'impératrice douairière Maria Feodorovna (veuve d'Alexandre III) parvient à quitter la Crimée à bord d'un navire de la Royal Navy et s'installe au Danemark, son pays natal.

Il faudra attendre la chute du communisme et la fin du XXème siècle pour que la Russie renoue avec son passé impérial. En 1998, Nicolas II et les siens sont reconnus comme "martyrs de la révolution" et leurs restes sont enfin inhumés en présence du président russe Boris Eltsine, de 54 Romanov, du prince Michaël de Kent et de 23 ambassadeurs étrangers. Ils sont ensuite canonisés par l'Eglise orthodoxe russe en raison de leur comportement chrétien. A l'endroit où ils ont été assassinés à Ekaterinbourg, une cathédrale Notre-Dame des Saints-Martyrs et une statue leur rendent hommage. En Sibérie, une statue d'Alexandre III, déboulonnée en 1917, est réinstallée en 2003. Enfin, le souhait de l'impératrice douairière Maria Feodorovna est exaucé : son cercueil quitte le Danemark en 2006 pour rejoindre en grandes pompes Saint-Pétersbourg et reposer aux côtés de son époux.