Lumineux rentre chez lui
de André Dhôtel

critiqué par Darius, le 19 juillet 2003
(Bruxelles - - ans)


La note:  étoiles
Chronique d'un homme ordinaire
André Dhôtel est vraiment un auteur atypique. Parfaitement inconnu au bataillon. Ni les potaches, ni les profs, ni les édiles de l’éducation nationale n’ont semblé s'en soucier. En tout cas, en ce qui me concerne, c'était un illustre inconnu, jusqu’à ce que j'aperçoive son nom cité à tour de bras par un internaute sur un site aujourd'hui disparu.
Pour preuve de son anonymat et du peu d'enthousiasme suscité par sa lecture, la publication de sa quarantaine de romans était épuisée. Elle ne renaît qu’à l’initiative de l’éditeur Phébus. Contemporain de Mauriac, il n’a pas laissé ce dernier indifférent puisqu'il a dit de Dhôtel qu'il n’hésitait pas à voir en lui "le créateur le plus étrange de nos univers romanesques". Le héros du livre, Bertrand Lumin, se laisse porter par le cours des choses, tel un irresponsable de la vie. Il agit sans s'inquiéter des conséquences de ses actes, tantôt catastrophiques, tantôt heureuses. Qu'il se retrouve endetté jusqu’au cou ou riche à millions lui importe peu. Je dirais même qu’il se sent le cœur léger lorsque sa bourse est plate et vide. Il subit le monde plutôt qu’il n'agit sur lui. Il ne se sent jamais malheureux. Il traverse la vie avec un air béat. L'insouciance de sa conduite sans aucun respect des convenances lui vaut quelques déboires, mais il s'en sort comme par magie, alors qu'il ne tente jamais d’interférer sur le cours des choses. Sans cesse à la recherche de signes que le destin lui enverrait, il se préoccupe peu de suivre la voie commune. Il se laisse porter par ses impulsions et advienne que pourra. Un peu comme un enfant qui délaisse un jouet pour un autre plus attrayant. Cet anti-héros, Bertrand Lumin, surnommé "Lumineux" s’intéresse à la beauté des femmes, tombe amoureux au premier regard, la délaisse pour une autre, poursuit une troisième et ainsi de suite. Pourtant, il a tout d’un être asexué, uniquement préoccupé de petits détails physiques de la personne qu'il rencontre, que ce soit les petites mains de Lydie, la bouche de Pulchérie ou le sourire d’Agnès. Dès qu’une union se prépare à l'horizon, il se dévalorise, allant même jusqu’à s’accuser anonymement de tous les défauts de la terre. Quant au style il est tellement simple que n’importe qui peut trouver du plaisir à la lecture de ce livre, riche en péripéties inhérentes à cet anti- héros insolite, qui s'échine à se rendre plus benêt encore qu'il ne l'est en réalité. Pourtant sous ces mots si simples où le moins lettré des lecteurs trouve de quoi s’émerveiller se cache un piège : "une fleur plantée sous un talus, l’éclat d’une boîte de conserve au creux d'un dépotoir, le sifflet d'un train au fond de la vallée, la bouche d’une fille entrevue au coin d'une rue. ". Je terminerai par ces quelques mots extraits de la note de l’éditeur, ils devraient mettre l’eau à la bouche de certains critiqueurs : "Seuls les poètes japonais improvisateurs de haïkus ont réussi ce tour de force : nous parler en quatre mots de la fourmi et de son ombre, de la lune et des larmes, et nous faire sentir, sans qu'il soit besoin d’en dire plus, l’odeur de l'éternité".