De plus loin encore
de Michel Lambiotte

critiqué par Lucien, le 17 juillet 2003
( - 69 ans)


La note:  étoiles
De neige et de nuit
Michel Lambiotte est un phénomène de nos lettres. Dans les années 50, jeune poète à la pointe du mouvement surréaliste, il côtoie René Char, Achille Chavée, rencontre Bachelard ou même, une fois, le prince Eluard. Il publie trois recueils, dont l’un, en 1950, chez Seghers le découvreur. Puis, le silence. Et une carrière dans l’administration et l’enseignement de la déontologie médicale (l'homme est romaniste et juriste…) Un silence de trente ans. Et puis, en 1981, le retour, à l'âge de la retraite, avec un nouveau recueil, « Sur l’aire du blessant ». Enfin, depuis 1995, à l’âge, pour d’autres, de la maison de repos, une rafale de onze recueils qui lui valent, en 2001, le prix Charles Plisnier.
Aujourd'hui, à 82 ans, Michel Lambiotte nous donne ce recueil, « De plus loin encore ». De plus loin que tous les lieux explorés jusqu’ici, de ces horizons où se perdent les traces des mots dans la neige et dans la nuit, il parle, Lambiotte. De sa botte du Hainaut et de nulle part, de l'infini et d'ici, de l'éternel et de l'instant, il tisse un fil d’images et de visages, d’ombres et de lumières, de pensée et de chair : « qui est-elle

qui fait de ce lieu


l'appui de la torche


cette chose-là


qui mûrit


du feu de l’aubier » Sortent de l’ombre un visage féminin, un miroir renversé, une présence absence, « alentour la neige


la nuit


tout ensemble


vêtant le jour ». Poèmes vitraux sertis de vide. Rocs de mots à la surface des flots, où le chemin se trace sur les eaux du silence, dans le lit des brèches. Nuit, nuit toujours qui jette sur la page blanche ses quatre taches d’encre, à la quête du double : « de nuit


un visage double


étiré


dans le feuillage de mai ». Presque haïku, parfois : « chatons de l’aube



juste un signe


le corps du jour


ouvert à la nuit », le mot roule, pierre qui jamais n'amasse mousse, en groupes nominaux presque toujours, en questions parfois, non ponctuées. Point d'autres pauses que le blanc de la page.
« la capture du blanc dans le soleil des herbages
où court-elle ainsi enfant des lunes secrètes droit dans l'axe des joutes
ou restituée aux rondes d'épines les rais tendus buissons sauvages qu'agrippe la corde
le cours de l'absente »
D’éphémère et d’éternel, de questions au bord du gouffre, de taches de jour sur la nuit de la neige est faite la chair de cette poésie.
Michel Lambiotte. C'est de chez nous. Et c’est beau.