De notre servitude involontaire
de Alain Accardo

critiqué par Cyclo, le 16 janvier 2014
(Bordeaux - 78 ans)


La note:  étoiles
Après La Boétie, Accardo
Je lis chez Alain Accardo : "le simple effort de se tenir et de se retenir a déjà quelque chose de subversif et de libérateur."
Dans notre "monde où l'on se préoccupe de moins en moins de distinguer le moral et l'immoral, le noble et l'ignoble, le décent et l'indécent, l'honorable et le déshonorant, le sensé et l'insensé, parce que ces valeurs ne se mesurent pas en argent", où l'on peut considérer que les deux idéologies rivales, la droite et la gauche de gouvernement, ne sont "que le prétexte et le déguisement des violents et des ambitieux, un moyen d'exciter l'hystérie des masses, une façon de sanctifier aux yeux des sots les visées des habiles" (Yourcenar cette fois, dans "Sous bénéfice d'inventaire"), on voit que, comme l'écrit Accardo, "ces gens soi-disant « de gauche » se font élire par le « peuple de gauche » pour faire une politique de droite que des politiciens de la droite classique auraient plus de mal à faire accepter" (voir le plan retraite annoncé par exemple), et on saisit que l'alternance au pouvoir n'est, hélas, pas une alternative.
La civilisation semble entièrement tournée vers le modèle américain de l'entertainment (= divertissement), sous l'impulsion des médias (cinéma, puis télévision, maintenant internet), modèle parfaitement explicité par Alain Accardo : "les classes moyennes sont devenues le vecteur de cette conception impressionniste et de cette pratique libidinale d'une vie tout entière orientée vers la recherche au moindre coût de la plus grande jouissance possible, dans les meilleurs délais, qui est en somme la transposition sur le plan des mœurs de l'exigence de profit maximum dans le plus court terme qui commande les pratiques économiques." Et, avouons-le, c'est pendant les vacances qu'on voit le mieux ce que l'auteur appelle notre servitude involontaire (parce qu'on n'imagine plus pouvoir faire autrement) : celle que les marchés nous imposent, car le repos est devenu un gigantesque business, comme vont le devenir la santé, l'éducation. On voit aussi cette servitude à l’œuvre à la télévision où s'épanouit la pauvreté spirituelle et la servilité caractéristiques de la plupart des animateurs, et qui n'est que l'exact reflet de celles de notre temps. L'auteur conclut à une nécessité de changement intérieur de l'individu : "Non, une vie consacrée à la poursuite interminable et égoïste de plaisirs matériels au demeurant médiocres et de pouvoirs temporels au demeurant dérisoires est une vie de divertissement, une vie vide, une vie inutile, une vie sans honneur, une vie de m'as-tu-vu, une caricature de vie humaine..."
Bref, je souhaite personnellement continuer à pratiquer le "nouvel art de vivre, raisonné, régulé, soucieux de mettre l'avoir, le pouvoir et le savoir au service d'un accroissement de l'être chez tous et partout" que prône également Alain Accardo (qui doit être dans mes âges) dans son livre décidément passionnant.
Un essai roboratif !