1914-1918 La grande guerre du Général Giraud
de Henri-Christian Giraud

critiqué par JulesRomans, le 28 janvier 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Quand le capitaine Giraud vécut comme un Zingaro
Que le général Giraud nous soit sympathique ou pas pour son action durant la Seconde Guerre mondiale, il a une bonne place dans l’histoire française de la Seconde guerre mondiale. Si la rivalité de Gaulle-Giraud est connue de tous, on se rappelle moins que son aura est due à son évasion en avril 1942 la forteresse de Königstein en Saxe.

Né en 1879 à Paris dans une famille où certains membres ont des origines alsacienne, Henri Giraud a un père vétéran de la Guerre de 1870. Il est élève officier à l'école militaire de Saint-Cyr de 1898 à 1900. Après plusieurs affectations en Afrique du Nord comme officier chez les zouaves, en juin 1914 il est à Tunis au 4e régiment de zouaves. Lors de la déclaration de la Première Guerre mondiale, il revient d’une permission en Touraine où réside une grande partie de sa famille. Ce premier chapitre décrit à la fois la vie du personnage à la fin de la Belle Époque et l’enchaînement qui va des rivalités franco-allemandes sur le Maroc au déclenchement du conflit.

Grièvement blessé le 30 août 1914 lors de la bataille Guise (au nord de l’Aisne), il est fait prisonnier par les Allemands. Mais il parvient à s'évader de l’hôpital allemand d’Origny-Sainte-Benoîte (dans l’Aisne) et dans le récit de leur périple, il montre le geste de refus de les accueillir une nuit, dont un couple de notables (l’homme est médecin) de la région de Guise se rend coupable par peur de voir les soldats allemands les exécuter eux-mêmes. Par contre à Saint-Quentin, lui et son compagnon d’évasion bénéficient de l’aide du maire qui leur conseille de se faire passer pour des vagabonds. Si le capitaine Giraud devient garçon d’écurie puis comptable d’un commerce de charbon pendant deux mois car il parle allemand (ce qui l’amène à fréquenter assidûment les forces d’occupation), son compagnon est lui aide-charcutier pendant le même laps de temps. Ils assistent à la venue du kaiser dans cette ville à la mi-décembre 1914.

Par une filière il arrive à Bruxelles où il commet l’impair de montrer ses connaissances géographiques de l’Afrique du nord à un cordonnier ancien légionnaire. Cet impair lui porte finalement chance car il est mis en contact avec un réseau belge qui fait passer les soldats alliés en Hollande. Il s’y présente comme Belge tailleur de cravates (il vient d’apprendre les bases de ce métier à Bruxelles) et entre en contact avec l’attaché militaire français au Pays-Bas (neutre rappelons-le).

Passé par l’Angleterre, Henri Giraud arrive à Paris à la mi-février 1915. Il regagne bientôt le front. Il prend part aux opérations du Chemin des Dames en avril 1917, puis se distingue en prenant, en juin, le fort de La Malmaison (dans l'Aisne).

En suivant les aventures du capitaine Giraud, on revisite certaines batailles de la Première Guerre mondiale et en particulier celle de fin août 1914 où

« pour empêcher la destruction de son armée, Lanzerac a donc ordonné la retraite entre Maubeuge et les massifs des Ardennes ». (page 45)

Lourdement sanctionné (limogé au sens propre du terme) pour cette initiative par Joffre (surnommé "l’âne qui commandait des lions"), Lanzenac est donné par les historiens comme l’un des hommes qui par cette initiative personnelle permit la victoire de la Première Bataille de la Marne.

Par ailleurs des extraits de courrier des jeunes officiers de de Gaulle, Juin et de Lattre permettent de suivre leurs opinions sur les opérations. Le lecteur antigaulliste se régalera de l’inanité de certaines réflexions du futur chef de l’État, on est très loin du discours que livra le général de Gaulle dans ses souvenirs. Cet ouvrage permet un éclairage bien particulier tant des combats que de la vie des civils en France et Belgique occupées. Son contenu s’avère fort intéressant car il apporte réellement des éléments nouveaux.

On est surpris de la légèreté avec laquelle a été fait le choix de la couverture, elle a deux inconvénients. Pour les historiens professionnels, qui reconnaîtront l’image tirée de "L’Illustration", où le colonel Desgrées du Loû brandit le drapeau du 65e RI (basé à Nantes en 1914), elle est un anachronisme et donc son choix n’incite pas à la lecture de l’ouvrage. Pour le lecteur moyen, elle reste une énigme car nulle part il n’est mentionné une légende. Comme aucune photographie à l’intérieur ne propose une représentation du général Giraud, cette biographie réussit la performance de ne proposer aucune image du personnage historique qu’elle étudie. L’ouvrage est en pole position pour le titre de "plus mauvaise couverture d’un livre sur la Première Guerre mondiale, toutes époques confondues" et il est à souhaiter qu’il ne soit pas détrôné de ce qualificatif.

La quatrième de couverture arrive à ne pas dire un mot de la place qu’a le personnage étudié dans l’histoire, ce qui aurait sérieusement aidé à motiver la lecture de l’ouvrage. Bref il est à souhaiter que les critiques qui en soient faites portent heureusement à la connaissance du public cette biographie partielle d'Henri Giraud, car ce n’est pas l’emballage qu’en a fait l’éditeur qui va pousser l’ouvrage vers beaucoup de mains. En fait dans l’avant-propos quelques clés sur l’ensemble de la vie et les actions militaires et politiques du général Giraud sont fournies et on s'en réjouit pour certains lecteurs.