Stevenson sous les palmiers
de Alberto Manguel

critiqué par Libris québécis, le 14 juillet 2003
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Mort de Stevenson
Ce petit roman de 88 pages est magnifique. On y raconte les derniers jours de la vie du célèbre auteur du Dr Jekyll et Mr. Hyde. Alberto Manguel a eu la brillante idée de montrer que, dans la vie même de Stevenson, le mal et le bien sont intimement liés. Accusé de meurtre à cause des manigances d'un missionnaire, la foudre de la population s'abat sur cet émigrant écossais installé dans l'une des îles Samoas.
Manguel a joué habilement avec la biographie de Stevenson et la fiction en plongeant cet auteur dans l'univers de son oeuvre. Bref, Manguel a eu une idée de génie.
Manguel est d'origine argentine. Il a immigré au Canada où il enseigne.
L’arroseur arrosé. 8 étoiles

Manguel reproduit ce décor indescriptible de l’abolition des frontières du bien et du mal à travers cette nouvelle très bien construite. Ce sont les derniers jours de Stevenson, et la déliquescence du corps laisse flotter par vagues incontrôlables cette âme à la fois belle et cruelle, toute en contradiction, en opposition, dernière lutte finale du bien et du mal à la manière du Dr Jekyll et Mr Hyde. La pensée sera alors seule déterminante. On n’échappe pas à ses désirs.
C’est un flou permanent sur les personnages et les faits à la fois persuasifs et déroutants. Le doute est établi.
C’est le premier livre de Manguel que je lis, il endosse joliment le personnage de Stevenson ou se côtoient la biographie et l’imaginaire, la fièvre tropicale et les fantômes écossais. On retrouve bien toute la particularité de cet écrivain, un véritable condensé de son œuvre en quelques pages seulement.
Il me faut lire une autre œuvre de Manguel pour le distinguer de Stevenson, car il semble être complètement investit de ce personnage. Quel est donc cet auteur ?

THYSBE - - 67 ans - 23 mai 2005


Les derniers jours d'un écrivain 8 étoiles

Un récit court et dense comme je les aime. Une aventure, un fragment de vie, l'âme d'un écrivain-voyageur que Alberto Manguel explore avec sensibilité mais aussi une certaine touche de perversité quand il s'agit de mettre à jour nos tourments et désirs inassouvis.
Robert Louis Stevenson s'est retiré aux Samoa avec son épouse Fanny. Il est gravement malade, sa vie ne tient qu'à un fil. Envoûté par la torpeur locale et le climat humide, il ne réalise que trop tard à quel point la légende et la rumeur peuvent être puissantes et faire du tort. Parce qu'il est blanc, fils d'un régime colonial, aisé et habile conteur d'histoires, il sera accusé de quelques crimes commis sur son île, en ce compris un meurtre.
Alberto Manguel revisite les derniers jours de Stevenson. Il regarde froidement l'homme malade, nous présente l'écrivain sous un jour guère flatteur (le mythe de l'aventurier conquérant et victorieux n'apparaît nulle part) et profite de quelques faits divers pour nous parler de l'âme et du pouvoir du désir, ce désir qui, comme dit le missionnaire Baker à Stevenson "est plus fort que vous ne le supposez et, une fois provoqué, il peut accomplir des merveilles." (page 75 édition Babel mars 2005)
On sent Stevenson dépassé par les événements, affaibli par une maladie qui ne le lâchera plus et on regarde tout cela d'un oeil extérieur, non pas impuissant mais distant, un regard observateur teinté d'une certaine compassion. C'est que Manguel, une fois de plus, arrive à prendre le recul nécessaire pour aborder son sujet tout en nous y plongeant la tête la première afin que nous en soyons complètement imprégnés. Il n'y a pas à dire, il est bigrement doué pour faire cela!

Sahkti - Genève - 50 ans - 19 avril 2005