La peau des doigts
de Katia Belkhodja

critiqué par Libris québécis, le 12 janvier 2014
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Une famille kabyle de Montréal
La page couverture du roman de Katia Belkhodya reproduit la sculpture de Constantin Brancusi, érigée à Montréal. Elle représente un couple enlacé qui symbolise très bien la quête poursuivie par les membres d’une famille kabyle installée dans cette ville.

Aucun héros ne ressort de cette œuvre, qui raconte les aléas de la vie de protagonistes rongés par la fureur de vivre et ravagés dans leur désir d’aller à la rencontre de l’autre. Une grand’mère abandonnée par ses amants, une cousine qui ne parvient pas à faire le deuil de sa mère, un autiste obnubilé par Marguerite Yourcenar qu’il voudrait connaître, mais ignore qu’elle est décédée. Grâce à Doña qu’elle a connue sur l’esplanade de la Place-des-Arts, la narratrice devient l’intime de la famille qu’elle accompagne même à Paris afin que Gan, un autiste, puisse rencontrer Marguerite Yourcenar, son écrivaine préférée. Peine perdue, il doit se contenter de ses œuvres qu’il essaie de dénicher en se rendant même à Casablanca, ville qui doit son nom à une maison blanche qui servait de repère aux navigateurs.

Ce roman milite en faveur de la communion des esprits à travers la matière, voire la peau qui les habille. Les personnages désirent fuir avec l’autre dans l’empire des sens, où « le ciel est encombré de bleu ». Tout ce qu’ils peuvent trouver, ce ne sont que des souvenirs qui s’attachent à une présence qui s’est soustraite de leur vie à tout jamais. C’est triste de vivre en sachant que la photo de la page couverture ne les représentera jamais. Bref, c’est une fin de non recevoir.

Cette trame sur la quête d’autrui débouche sur un ouvrage inachevé. D’aucuns n’y verront que du feu à cause de l’écriture qui masque les carences du profilage psychologique autant que de la structure qui ne parvient pas à circonscrire l’éclatement de la linéarité. Le tout se présente comme un magma que rehaussent des aphorismes qui laissent croire à un ouvrage longuement mûri. En fait, c’est du gongorisme qui supplée à l’inexpérience romanesque de la jeune auteure née en Algérie en 1986. Si l’écriture semble poétique, c’est que la phraséologie se moule presque toujours sous sa forme verbale ou nominale. Le raccourci syntaxique donne lieu à un lyrisme au détriment d’une logique qui rendrait moins boiteux, par exemple, ce passage sur le rasage des cheveux : « Seulement, là, ses yeux, encore plus. La lumière comme les aveugles, ses yeux sans parasols, sans rideaux. À trouer l’asphalte pour arriver au bleu, derrière la lave, de l’autre côté du terrestre. » Autrement dit, les chauves voient plus loin que le bout de leur nez. Argutie qui découle d’un raisonnement fallacieux. Bref, c’est d’une lourdeur qui risque de se faire passer pour du style.